Vers un retour en force ou une division fatale ?
Alors que les sondages divergent largement sur la force du camp Netanyahu, un élément frappe par sa régularité : les instituts créditent presque mécaniquement Ra’am et Hadash-Ta’al de cinq sièges chacun, comme en 2022. Mais cette apparente stabilité masque en réalité une profonde mutation au sein de l’électorat arabe en Israël.
D’un côté, Mansour Abbas et son parti Ra’am savent qu’aucune coalition avec la droite n’est envisageable. L’expérience brève et exceptionnelle du gouvernement Bennett-Lapid, liée à l’urgence sanitaire du COVID, ne pourra pas se reproduire en pleine guerre, alors que Tsahal est mobilisée sur plusieurs fronts. De l’autre, la colère grandit dans le secteur arabe face au gouvernement Netanyahu-Ben Gvir. Ce dernier avait promis de mettre fin à la criminalité, mais les meurtres liés au crime organisé atteignent des niveaux records. À cela s’ajoute une rancune nourrie par la guerre de Gaza, qui radicalise encore plus une partie de la rue arabe.
Dans ce climat, deux scénarios opposés se dessinent. Le premier, jugé probable par plusieurs analystes, serait une réunification technique de la Liste arabe unie, incluant même Balad. Une telle union pourrait rapporter au moins 14 sièges, voire jusqu’à 17 selon les estimations de Mansour Abbas. Le second scénario, celui d’une division persistante, réduirait leurs chances : franchir la barre des dix sièges serait alors déjà une victoire.
Pour le bloc de gauche et du centre, les conséquences seraient lourdes. Une percée des partis arabes anéantirait les maigres espoirs d’atteindre une majorité de 61 sièges. Pire encore pour Yair Lapid et ses alliés : des partis comme Balad ou Hadash, qui refusent catégoriquement toute alliance avec la droite comme avec le centre-gauche, joueraient en réalité le jeu de Netanyahu en bloquant toute alternative crédible. Paradoxalement, Ahmad Tibi pourrait alors se retrouver en allié objectif du Premier ministre.
La vraie question est désormais politique : comment des figures comme Naftali Bennett ou Avigdor Liberman réagiront-elles ? Maintiendront-ils leur refus catégorique de toute coopération avec Ra’am, quitte à s’effacer dans la bataille ? Ou accepteront-ils, même à contrecœur, une collaboration ponctuelle avec Mansour Abbas pour tenter d’écarter Netanyahu ?
Comme le rappelle le journaliste Amit Segal, l’arithmétique électorale des partis arabes pourrait bien être l’élément décisif de l’élection de 2026 — davantage encore que le choix de Gadi Eisenkot entre Lapid et Gantz.