Ce qui n’était au départ qu’un retard de livraison d’équipements militaires israéliens à destination des Philippines, dû à la guerre en cours dans la bande de Gaza, s’est transformé en un différend diplomatique majeur. Désormais, Manille conditionne la signature de nouveaux contrats d’armement israéliens à une reconnaissance officielle par Jérusalem de sa souveraineté sur une zone maritime disputée avec la Chine dans la mer de Chine méridionale. Les revendications des Philippines portent sur une partie des îles Spratleys, Depuis plusieurs mois, le ministère philippin de la Défense a gelé toute nouvelle commande auprès des industries israéliennes de l’armement, exigeant en contrepartie une déclaration formelle de reconnaissance de ses droits sur la zone contestée.
Depuis une décennie, les relations entre Israël et les Philippines sont marquées par une coopération militaire soutenue. Manille a notamment acquis les systèmes de défense aérienne Spyder de Rafael, des canons Atmos, des drones d’Elbit Systems, ainsi que neuf corvettes Shaeldag MK-5 fabriquées par les chantiers navals israéliens, dans le cadre d’un contrat de 200 millions de dollars. La neuvième corvette doit d’ailleurs être livrée le mois prochain.

Le système Typhoon de Rafael. Ces dernières années, des navires de la marine chinoise ont percuté des navires de la marine philippine, crédit : avec l’aimable autorisation de Rafael
Malgré les tentatives d’apaisement, notamment une visite de l’ex-directeur général du ministère, Eyal Zamir – aujourd’hui chef d’état-major – Manille campe sur ses positions et demande une déclaration politique explicite, émanant du Premier ministre ou du ministre des Affaires étrangères.
En 2016, la Cour d’arbitrage de La Haye avait pourtant invalidé les revendications chinoises sur cette zone maritime. Néanmoins, Israël, fidèle à sa position de neutralité, se refuse à prendre parti dans ce contentieux asiatique, préférant évoquer la nécessité de résoudre le différend pacifiquement. Mais pour les autorités philippines, cette prudence est insuffisante : « Ils veulent une reconnaissance claire, comme celle accordée par Israël au Maroc sur le Sahara occidental. Tant qu’il n’y aura pas de déclaration officielle, il n’y aura pas de nouveaux contrats ».
Pour l’heure, les contrats antérieurs se poursuivent, mais le gel des nouveaux projets inquiète les industriels. Les exportations israéliennes vers les Philippines sont estimées à environ 400 millions de dollars par an. Or, le potentiel reste immense dans le cadre de la modernisation en cours de l’armée philippine.
Les appels lancés ces derniers mois par les industriels au ministère israélien de la Défense et aux Affaires étrangères n’ont, pour l’instant, reçu aucun écho. Et à raison, car dans le domaine de la défense, il n’y a pas de vide : si Israël n’est pas présents, les Américains, les Français ou les Turcs le seront. »
Elbit Systems, de son côté, réaffirme son engagement envers les Philippines et dit espérer une résolution rapide des différends entre les gouvernements. Et le ministère israélien des Affaires étrangères, quant à lui, dément que la question de la mer de Chine soit au cœur du blocage : « Nous connaissons le problème et il fait l’objet de discussions avec le ministère de la Défense et les industriels concernés. L’idée selon laquelle la position d’Israël sur la mer de Chine méridionale serait déterminante dans ce dossier est infondée. »