Une enquête du Wall Street Journal affirme que l’Iran aurait passé commande à la Chine de plusieurs milliers de tonnes de composants sensibles destinés à la fabrication de missiles balistiques. L’élément central de cette transaction : l’ammonium perchlorate, un oxydant utilisé dans la propulsion à combustible solide, indispensable à certains des missiles les plus efficaces du régime.
Les premiers envois sont attendus dans les mois à venir, et permettraient à Téhéran de produire environ 800 missiles. L’affaire, révélée par des sources proches du dossier, souligne un effort significatif de l’Iran pour reconstituer son arsenal militaire, affaibli notamment par des frappes israéliennes ciblées sur ses infrastructures de production de missiles.
Le contrat, conclu avec une société chinoise basée à Hong Kong, "Lyon Commodities Holdings Ltd", via une entreprise iranienne nommée Fishgaman Tejarat Rafi Novin, inclurait aussi d’autres composants chimiques. Pékin affirme ne pas avoir été informée de l’accord et assure appliquer strictement ses lois sur le contrôle des exportations de produits à double usage.
Un soutien indirect aux milices alliées
Selon plusieurs analystes, une partie de ces matériaux pourrait être acheminée vers des groupes armés pro-iraniens, notamment les Houthis au Yémen. Ce ne serait pas une première : en novembre 2022, l’US Navy avait intercepté un navire transportant 70 tonnes d’ammonium perchlorate dans le golfe d’Oman, sur une route de contrebande régulièrement utilisée par l’Iran.
Le contexte est d’autant plus préoccupant que les efforts de Washington pour relancer les négociations sur le nucléaire iranien semblent dans l’impasse. Téhéran a récemment rejeté une nouvelle proposition américaine, la qualifiant de « non négociable », notamment en raison des exigences de Washington concernant l’arrêt de l’enrichissement d’uranium.
La Chine, partenaire ambigu
Ce regain de coopération militaire et industrielle entre Téhéran et Pékin intervient alors que les deux pays sont déjà visés par des sanctions américaines. En avril, le Trésor américain a sanctionné six individus et six entités liés à ces transferts de technologies, y compris des composants de propulsion pour missiles. Un mois plus tard, le sodium perchlorate – un précurseur de l’ammonium perchlorate – a été ajouté à la liste noire des matériaux jugés essentiels aux programmes balistique et nucléaire de la République islamique.
Israël ne reste pas inactif
En octobre dernier, Tsahal a détruit une douzaine de mélangeurs industriels — les fameux "mélangeurs planétaires" — utilisés dans la fabrication des composants des missiles. Mais selon des sources israéliennes, l’Iran serait déjà en train de réparer ses installations, avec l’aide probable de ces nouveaux matériaux chinois.
Ce réarmement massif, qui contourne les circuits de contrôle internationaux, met en lumière l’efficacité relative des sanctions occidentales et montre aussi que, même affaiblie et contestée à l’intérieur, la République islamique entend rester un acteur central dans les tensions régionales.
En toile de fond : un bras de fer stratégique entre Washington, Téhéran et Pékin.