Près d’un an et neuf mois après le massacre, et après d’innombrables critiques dénonçant l’abandon du kibboutz devenu un symbole de défaillance sécuritaire, le Premier ministre doit aujourd’hui se rendre à Nir Oz. Nombreux de ses résidents dénoncent une visite bien trop tardive alors que son cabinet assure qu’elle était prévue depuis longtemps, mais que l’agenda ne l’a pas permis. Des familles d’otages toujours détenus à Gaza ont été invitées à participer à la visite. Mais certaines d’entre elles ont décidé de boycotter l’événement pour marquer leur opposition..
Raouma Kedem, dont six membres de la famille ont été assassinés le 7 octobre dénonce une opération de communication : « Le sang de ma fille, de mon gendre et de mes petits-enfants est sur vos mains. C’est vous qui avez financé, abandonné et conduit à la destruction de nos maisons. Ne franchissez pas les portes de ce kibboutz. »
Dani Elgart, dont le frère Itzik avait été enlevé vivant avant que son corps ne soit restitué lors du dernier échange, dénonce : « C’est une visite politique, pas une marque de solidarité. Je ne veux pas qu’il passe devant la maison de mon frère, après l’avoir abandonné ici, puis à Gaza. Pendant presque deux ans, il a ignoré son sort, et maintenant que les élections approchent, il décide enfin de venir. »
À ce jour, neuf des cinquante otages toujours retenus à Gaza sont originaires de Nir Oz. Quatre d’entre eux ont donné des signes de vie : Eitan Horn, David et Ariel Kounio, et Matan Tsangauker. Cinq autres ont été déclarés morts : Tamir Ader, Eliyahou Margalit, Ronen Engel, Aryeh Zalmanovitch et Amiram Kuper.
Lors du massacre, 76 membres du kibboutz – enfants, femmes, personnes âgées – ont été enlevés vers Gaza. La plupart ont été libérés vivants lors des échanges avec le Hamas ; d’autres, assassinés dès le jour de l’attaque, ont été récupérés par les forces israéliennes. Parmi les victimes, Shiri Bibas et ses enfants, Ariel et Kfir, assassinés après leur enlèvement. Le père de famille, Yarden, a, quant à lui, été libéré dans le cadre d’un échange.

Le président du kibboutz, Tzviki Tessler, espère organiser par la suite une réunion de travail avec le Premier ministre, pour évoquer, entre autres, la reconstruction du kibboutz et l’avenir des habitants qui ne peuvent ou ne veulent pas revenir y vivre.
L’enquête militaire sur la prise du kibboutz Nir Oz, menée pendant huit mois à partir de milliers de témoignages et de documents, a été si complexe que Tsahal a confié la mission à un général de réserve, Eran Niv. Son passé de commandant à Hébron, au plus fort de la seconde Intifada, l’avait déjà confronté à des situations extrêmes. Mais contrairement aux attentats du passé, il n’y avait ici aucun soldat israélien à interroger : seuls les rescapés civils, quelques blessés, et des renseignements partiels ont permis de reconstituer le déroulement des faits.
Au terme de l’enquête, Niv a comparé ce qu’il a découvert aux descriptions de Bialik dans son poème « Dans la ville du massacre », écrit après les pogroms de Kichinev.
Le 7 octobre, pratiquement tous les habitants de Nir Oz ont été touchés : exécutés, brûlés vifs, enlevés, assassinés en captivité ou blessés. Sur les 420 résidents, seuls six foyers n’ont pas été envahis par les terroristes. Près de 500 assaillants, soit plus que le nombre d’habitants présents ce jour-là, ont pénétré dans le kibboutz.
La distance entre Nir Oz et la frontière de Gaza n’est que de trois kilomètres. Et pourtant, aucun poste militaire israélien ne séparait le kibboutz des assaillants. Le commandement sud de Tsahal n’avait prévu aucune barrière, même minimale. Sans le courage des habitants qui ont résisté jusqu’au bout, bloquant les portes des abris, les terroristes auraient pu enlever ou assassiner l’ensemble des habitants du kibboutz.
C'est dans ce lieu marqué au fer rouge par la tragédie que Benyamin Netanyahu est attendu et l’accueil s’annonce houleux.