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Le chef de l'opposition Yaïr Lapid a déposé cette année aussi une motion appelant la Knesset à reconnaître officiellement le génocide arménien. "C'est une obligation morale qui nous incombe en tant que peuple juif" a-t-il écrit sur son compte Twitter.
Le peuple arménien commémore ce 24 avril le 105e anniversaire des massacres de masse perpétrés par les armées de la Turquie ottomane, qui ont entraîné la mort d'environ 1,5 millions de personnes durant la 1ère Guerre mondiale. La Turquie a toujours nié avoir commis un génocide et dans son histoire officielle elle évoque des "massacres réciproques sur fond de guerre civile, de famine et maladies ayant fait des centaines de milliers de morts dans les deux camps" (sic). Le génocide arménien est pourtant reconnu par une trentaine de pays et nombre d'historiens.
En Israël, la reconnaissance d'un génocide arménien a toujours constitué une question très délicate: d'un côté l'obligation morale de la part d'un peuple qui a vécu dans sa chair une tentative de destruction et de l'autre, des impératifs géopolitiques et géostratégiques, Jérusalem voulant préserver des relations privilégiées avec la Turquie dans l'arène proche-orientale. Les premiers qui dans la classe politique demandèrent une reconnaissance par la Knesset du génocide arménien furent les députés Yossi Sarid et Yaïr Tsaban, membres du parti d'extrême gauche Meretz, en 2007. Ils furent d'ailleurs soutenus plus tard - une fois n'est pas coutume - par un député très à droite, le Prof. Arié Eldad, qui proposait même d'introduire le 24 avril dans le calendrier israélien comme journée officielle de commémoration. L'ancienne présidente de Meretz Zehava Gal-On avait elle-aussi "poussée à la roue" dans la cadre de la commission de l'Education mais en vain. Le ministère des Affaires étrangères ainsi que le Conseil de la Sécurité nationale étaient opposés à ces initiatives.
Le virage opéré par Ankara envers Israël sous la présidence du dictateur Recep Erdogan et ses éructations antisémites récurrentes n'ont pas modifié la politique israélienne sur cette question, sans doute pour maintenir un lien avec la Turquie pour l'après-Erdogan.
Le président Reouven Rivlin avait lui-aussi appelé à cette reconnaissance alors qu'il était encore président de la Knesset mais n'avait pas été suivi. Il rappelait notamment ses souvenirs d'enfance à Jérusalem où il avait vu des réfugiés arméniens venus dans la ville des années auparavant pour échapper aux massacres.
Que ces atroces massacres commis par les troupes ottomanes entrent ou non dans la définition stricte d'un "génocide", ils ôtent cependant toute légitimité au "sultan" actuel de donner des leçons de morale à qui que ce soit.
Dans un long article publié dans le Figaro, Mourad Papazian et Ara Toranian, les deux coprésidents du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France avertissent que 105 ans après, "l’État turc n’en finit pas de représenter un danger pour les peuples de la région et une menace pour l’Europe" et que sous le président mégalomane Recep Erdogan nostalgique de l'Empire ottoman "la politique étrangère turque montre qu'elle entend renouer avec la grande tradition ottomane du passé".
Et pour citer le regretté ancien ministre français Patrick Devedjian, récemment décédé des suites du Corona, qui disait en 2001: "L'entreprise d'extermination de 1915 fut la poursuite d’une ancienne haine. Il n’y a jamais eu en Turquie quelque chose de comparable à la dénazification. Seule la communauté internationale peut créer le choc culturel nécessaire au changement. La complaisance pour le négationnisme d’État de la Turquie encourage son agressivité permanente et son fascisme larvé».
"Les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux" (Etienne de la Boétie, Discours sur la servitude volontaire)