Ecrivain reconnu, Aharon Appelfeld a su dans ses nombreux romans où figure toujours une part d’autobiographie, raconter son histoire et celle des Juifs d’Europe de l’Est dont la civilisation, comme la langue, a disparu lors de la Shoah.
Natif de Czernowitz en Roumanie (Ukraine actuelle) en 1932, Aharon Appelfeld vit une enfance heureuse jusqu'à la guerre où il perd sa mère et sa famille. Dans Histoire d’une vie, il se raconte depuis l’enfance, quand, échappé d’un camp de concentration, il erre dans les forêts ukrainiennes et, pour survivre, rejoint des bandes armées. Comme auteur, il n’a pas son pareil pour décrire le monde juif de l’Est, le monde du yiddish et de la culture juive,
le monde où chaque juif parle plusieurs langues et est intégré au pays. Il montre aussi l’antisémitisme au quotidien. Il rend hommage à ce monde disparu, celui de la Bucovine de ses parents et de son enfance.
L’auteur Valérie Zenatti est aussi la traductrice de référence de l’œuvre d’Appelfeld en France aux éditions de l’Olivier. Elle a su capter la finesse, la profondeur de ses romans pour l’offrir au public francophone. Quand
elle a vu mourir son ami en 2018, elle est retournée sur les traces de son enfance en Roumanie et en Ukraine.
Elle souligne la modernité de son écriture: «Lorsque j’ai traduit ce livre, il m’est apparu d’une modernité
incroyable –c’est le propre des grandes œuvres!- car il traite des questions qui nous traversent aujourd’hui,
notamment celle des femmes et celle de la perversion du message religieux, sans compter qu’il aborde
les inondations, les épidémies. Le fait qu’il se déroule en Ukraine et qu’il sorte en pleine guerre d’Ukraine me frappe beaucoup. Cela me donne le sentiment qu’Aharon Appelfeld, post mortem, nous livre un immense témoignage d’humanité à travers le portrait de cette paysanne ukrainienne.» Et Zenatti de poursuivre: « La force de son écriture est de saisir les personnages, notamment les femmes, et de mettre l’humain au centre de son œuvre. Son écriture est à hauteur des hommes et des femmes. Il part d’expériences dysfonctionnelles et chaotiques et tente de chercher l’humanité dans la moindre parcelle de l’être humain. Ses personnages de
femmes ont une place prépondérante, on y retrouve le visage de sa mère très tôt emportée par les tourmentes de l’histoire, ainsi que les domestiques ukrainiennes qui se sont occupées de lui enfant». L’Olivier publie en poche agrémenté d’une postface inédite du philosophe Frédéric Worms, L’Héritage nu, qui rassemble les textes de trois conférences données par l’écrivain à l’université de Columbia. Ils sont publiés ici dans une version révisée par Valérie Zenatti, d’après les manuscrits originaux rédigés en hébreu.
Ilan Levy
Aharon Appelfeld, La stupeur, traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti. L’Olivier, 256 pages, 22 €
L’Héritage nu. Au-delà du désespoir, traduit de l’anglais par Michel Gribinski. (L’Olivier coll. Les
feux), 120 pages, 10,80 €
Article publié dans Actualité Juive Numéro 1641
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