Et si nos parents devenaient nos enfants ? Angoisse inversée qui circule au point de rejouer une tendresse incontournable.
Est-ce à dire que la répétition met en relief nos résistances ?Comment aimer sans dessaisir ?
Nathalie Ohana nous livre le récit de sa progéniture en pensant écrire sur son cheminement .Vies enchevêtrées.
Il en résulte un portrait d’une mère exilée dans une estime écornée , qui vivra par procuration l’ascension de sa fille à l’insu de son propre épanouissement .
Sacrifiée ,dévouée avec emphase , son statut de Mère de Nathalie comme ultime identité.
Sous l’angle incisif de la coach devenue , l’auteur aborde la filiation avec ses ravages et ses bienfaits. Jamais dupe ni superficielle , elle repasse le film de son adolescence , la course effrénée aux concours laminants. Elève , domestiquée à devenir une autre , propulsée dans un milieu élitiste d’hypokhâgne.
La marge fut ressentie de façon aigüe : étrangère dans un autre monde où sa mère n’avait pas les codes.
Tenue de défier les rejets subis par son grand-père Tunisien et sa mère travaillant au Crédit Lyonnais. Œuvrer pour leur réparation tel fut son parcours !
Braver l’énoncé abscons du philosophe Althusser , première dissertation qui pointa ce sentiment d’imposture !
La relation asymétrique se réajuste dans la chambre d’hopital où sa mère passive, réduite au coma entendra pour la première fois sa fille lui dire son amour .
Mère démineuse ‘’ tu voulais retirer tous les objets coupants pour que je puisse marcher pieds nus sur un tapis de fleurs ’’.
Mère rempart , bileuse du bien être de sa fille ….
’’ J’ai été l’enfant qui gomme , qui comble , qui répare , qui rattrape ….pour apaiser tes peurs, je m’abstiens de jouer , d’écrire , de faire du bruit ….te confirmer que je restais de ton côté…sans embûche , je n’avais rien vécu…..Alors je descendais avec les personnages de mes lectures tout au fond de leur intimité pour trouver l’intensité qui manquait à mon existence ‘’.
Devenir déraisonnable , un défi à transgresser , une fois adulte , loin du foyer qui l’a confisquée !
Parcimonieuse par pudeur , l’auteur parle peu de sa coulisse de femme advenue.
Page 106 , 107 elle nous livre un parallèle sur le lien impossible vécu dans ses précédentes relations amoureuses, sa nécessité d’être veillée par eux , maintenue par une relation calquée sur celle vécue avec sa mère.
Est -ce la disparition de son regard , de sa voix qui la prend au dépourvu ?
Née sous césarienne , le cri premier de naissance semble lui avoir manqué , elle en fera sa maïeutique pour accoucher les êtres qui ont oublié de se réaliser au plus prés de leur vérité , sans porte-à faux .
Un livre poignant qui réveille de beaux émois.
Vanessa De Loya Stauber
Psychanalyste
