Le rdv était pris avec Elisa Tovati dans les locaux de grands studios de l’est parisien, où elle est en répétition pour son concert, qu’elle donnera le 4 novembre prochain à 20h30, au Théâtre Marigny. Elisa m’indique un coin du canapé et s’installe confortablement à l’autre coin. Je voulais dire du ring, c’est presque ça.
Ça pétille d’intelligence. Elle est prête à faire cent choses à la fois, passer dix coups de fil, donner son numéro de carte bleue à une collaboratrice, suggérer trente taches à Véronique son attachée de presse mais non. Une fois que débute l’entretien, la pro est à l’œuvre. Elle donne des interviewes depuis qu’elle a 15 ans. Elle maîtrise l’exercice et semble même apprécier cette gymnastique intellectuelle, dont l’aspect improvisation se rapproche de son spectacle. On dirait un petit félin à l’assaut d’un Parkour, elle saute, enjambe, précède mes questions, qui ne sont ni faciles, ni condescendantes. Elle a tout vu, tout vécu du double métier de comédienne-chanteuse, le meilleur et le pire.
Elle a mille passions et dix mille anecdotes dans sa besace mais pour l’instant notre « Vodka-couscous » (mi ashkénaze – mi séfarade), telle qu’elle se surnomme, se concentre sur le spectacle qu’elle a créé pour le Off d’Avignon : « Elisa fait son cinéma ».
LPH : Que représente Israël pour toi ?
Elisa Tovati : Tel Aviv, Jérusalem, déjà une grosse partie de ma famille est quand même là-bas, beaucoup de vacances, beaucoup de tournages aussi, j'ai eu la chance de tourner avec Gilles de Maistre un film en Israël (ndlr : Trois mariages et un coup de foudre), où on a pu se balader un peu partout et c'était vraiment très agréable de pouvoir joindre l'utile à l'agréable et d'être dans cet endroit qui est si cher à mon cœur pour tourner. Je devais aussi faire « La fiancée orientale », la pièce du livre d'Éliette Abécassis et puis finalement, ça ne s'est pas fait. J'ai plein d'amis, plein de gens que je connais là-bas et j'ai hâte qu'on m'invite surtout.
Et musicalement, Israël ?
J'adore la musique, le côté festif et tout ça, puis surtout très mixé de tellement de cultures, c'est ça qui est fantastique. On a de l'influence africaine, européenne, américaine, … Mon dernier coup de cœur c’est « Hurricane », l'Eurovision, Eden Golan.
Et toi tes influences ?
Mes parents (rire). Tu vois, moi je suis une moitié ashkénaze, moitié séfarade. Donc russe-polonaise du côté de ma mère et française-marocaine du côté de mon père. Quand j'étais petite on m'appelait Vodka-Couscous. J'ai toujours eu la sensation d'être une âme-slave, parce que j'ai été très élevée par mamie Gisèle et papy Henri. Qui étaient vraiment, … ils parlaient yiddish, ils parlaient à peine français. Donc vraiment l'âme-slave, le violon, la mélancolie. Et puis les couleurs du sud. Indéniablement papa m'a laissé deux-trois trucs quand même, parce que je ne suis faite que de ces deux mélanges. Donc forcément ce que j'apporte dans ma musique c'est perceptible. La peine, les fractures, les larmes, les joies, le soleil, le violon, la souffrance. Tout est mélangé. Je pense qu'à travers une voix on peut tout ressentir.
Qu'est-ce qu'il en reste dans ta musique aujourd'hui ?
Et bien il m'en reste une grande sensibilité qui se trouve à travers ma façon d'interpréter. « Il nous faut » mon gros succès, à l'époque ce n'était pas du tout tendance de mettre des violons. J'ai mis les violons de Mathias Lévy, qui était mon violoniste qui a improvisé des sonorités comme ça un peu ashkénaze. Il y a « Alabina » aussi, qui est une version un peu orientale que la version qui était la BO du film « La Vérité si je mens ». Que j'ai faite en version française. Parfois, il y a des chansons anglaises qu'on a passé en français, comme, par exemple la chanson de Top Gun interprétée par Berlin « Take My Breath Away ». C'est « le bleu des regrets », « Love Story », on a fait une version française. Parfois, ce sont des versions un peu plus rapides, plus bossa. Parfois, des versions plus lentes. On s'est amusé, en fait. C'est comme si tu avais de la pâte à modeler. Donc, tout le monde a les mêmes couleurs. Et après, c'est toi qui décides de la forme que tu veux donner.
Et ton album cinéma ?
Alors écoute, moi c'était un projet qui me tenait à cœur depuis longtemps. De faire une passerelle entre ces deux mondes. Parce que j'ai quand même commencé la comédie à 15 ans, la musique à 18. Donc j'avais envie de cette passerelle de ce banc entre la musique et le cinéma. Je trouve que sans musique le film n'a pas le même goût, on est d'accord. Donc les musiques de films sont très importantes pour moi. Il y avait des choses cultes comme « la chanson d'Hélène », ou comme « des Ronds dans l'eau », ou même « La Boum », qui ont été des choses qui m'ont portée, qui m'ont marquée, qui ont imprimé ma vie.
Donc j'avais très envie de les chanter. Et j'avais envie d'y mettre ma touche personnelle. Et j'avais envie que ce soit un album intemporel, qu'on puisse réécouter dans 5 ans, dans 10 ans. Et je suis très contente, très heureuse de cet album. Probablement on fera un volume 2. Et puis là, j'avais très envie maintenant d'être sur scène et de défendre l’album sur scène avec un spectacle. Donc c'est la comédienne, c'est la chanteuse. Il y a des vidéos, c'est immersif. On a fait des créations vidéo pour qu'évidemment l'image ait la part belle aussi. Puisque c'est un projet d'image et de musique.
Que dit ce spectacle ?
Je raconte évidemment la genèse de ces chansons. Pourquoi elles comptent pour moi, quelques anecdotes. Et puis évidemment aussi j'en profite pour de temps en temps avoir des moments un peu plus « comédienne ». C'est vraiment la comédienne qui chante pour le coup. Et puis dans les projections vidéo, il y a des créations qu'on a faites avec moi. Ou simplement des illustrations ou des extraits de films aussi.
On s'amuse avec tout ça. C'est quelque chose d'hybride, qui me ressemble bien. Moi, je suis très paradoxale dans ma vie. Donc ça va très bien avec le spectacle. Voilà, c'est ça. Deux extrêmes. C'est fou, hein ?
Le spectacle aussi est « fou » ?
Carrément. Il y a une vingtaine de chansons, de la vidéo en immersion. Parfois, que derrière. Parfois, sur le plafond, sur les côtés. Parfois, on est immergé complètement. Des jeux de lumière, des jeux de vidéo. Et puis, je parle entre les chansons. Presque tout le temps. Mais je me confie. Le but était de créer une proximité avec le public. De raconter des petites choses. De parler avec eux. Qu'on puisse ressentir mon âme, ce que je suis, ma personnalité. Que ça ne soit pas que mystérieux, que comédienne. J'avais envie qu'on ressorte et qu'on se dise « J'aime bien ce qu'elle nous a montré d'elle. » « J'aime bien avoir découvert des choses que je ne connaissais pas d'elle dans les médias. »
Une discussion avec le public ?
Oui, une discussion, de l'humour. Et puis, surtout, place à la liberté, qui est l'improvisation. C'est-à-dire rebondir sur quelque chose qui se passera dans le public. Ou une bêtise ou une erreur qu'on aura fait sur scène. Ou laisser la vie rentrer dans ce spectacle. Et donc, chaque soir, c'est différent.
La liberté, la vie ?
Oui, c'est ça, en ce moment, surtout. Être vivante. Le mot d'ordre, c'est être vivante. Il n'y a pas d'objectif à part prendre beaucoup de plaisir. Et d'une façon assez égoïste aussi. C'est-à-dire que, marre d'être tout le temps dans le regard de l'autre. Dans le désir de l'autre. Dans le jugement. Dans est-ce qu'on va aimer ou pas ? Est-ce qu'il y aura du monde ou pas ? Non. Je voulais faire quelque chose qui me rende terriblement fière et heureuse et vivante. Et j'ai l'impression que plus on pense comme ça, plus on arrive à transmettre des choses aux gens. Et plus on est toujours projeté vers l'extérieur. Est-ce que ça va vous plaire ? Est-ce que j'ai le droit de dire ça ou pas ? Et au moins il y a la connexion. Donc, voilà. Le but, c'est de sortir de là et de me dire good job. Je fais ça depuis que j’ai 15 ans quand-même.
15 ans ? C'était la semaine dernière ?
T'es un gros flatteur, toi. C'est quand même une longue période exposée. Avec des hauts, des bas, avec des roller-coasters (montagnes russes). Exposée, rejetée, aimée, vénérée, sacrée. Puis après rejetée. J'ai tout eu. J'ai eu de très très gros succès. J'ai eu de beaux échecs. J'ai eu des moments de vide et des moments de plein. Et la vie, c'est ça. Donc, j'ai suivi le rythme de la vie. Mais ce qui est important, c'est que la vie c'est une roue. Même quand il y a des moments en bas, on sait que forcément la roue va remonter. Et donc, c'est pour ça que quoi qu'il arrive, quand on a une passion aussi dévorante et qui vient du fond de mes entrailles, elle m'emmène sur toutes les routes. Même s'il y a des cailloux de temps en temps, je n'ai même pas mal aux pieds.
Et la tournée ?
Oui, il y a toute une tournée qui suit après dans la France. On commence le 21 décembre près de Toulouse et puis après, ça va se dérouler sur deux ans. Sachant qu’il y a eu déjà trois semaines au Festival d'Avignon puisque c'est une création du Festival d'Avignon. Voilà, c'est une formule étoffée. Il y a un musicien de plus, des séquences de plus, des vidéos de plus, des chansons de plus. J'ai mes musiciens quand même, mais je suis seule. Il n'y a pas d'autres chanteurs avec moi. Quoique là, il y a une surprise à Paris.
Tu nous en dit plus ?
Non c’est une surprise. Une piste : mon nouveau single qui sort aujourd’hui, je fais un duo avec Elodie Frégé sur une chanson de Véronique Sanson qui s'appelle « Drôle de Vie » parce que c'est la bande originale du film « Tout ce qui brille » de Géraldine Nakach, l'histoire de deux copines. Et comme Elodie Frégé est une copine depuis 25 ans et qu'on s'aime beaucoup, on a décidé de reprendre ce titre en bossa avec un featuring « Nouvelle Vague » qui est un groupe que j'adore parmi tous les groupes qui tournent dans le monde.
Ton spectacle bientôt En Israël ?
Mais j'en rêve. Il y a un tourneur qui est venu me voir à Avignon qui programme en Israël et qui est sorti du spectacle et qui m'a dit, mais j'ai adoré, il avait les larmes aux yeux et tout et je lui ai dit, j'aimerais tellement et il m'a dit, écoutez, pour l'instant, avec la situation, tout s'est un peu figé, mais dès qu'on reprend, vous venez.

« Drôle de Vie » : https://youtu.be/b9QCNl81U3c?si=lNPcPU1fn3cEAgHk
« Elisa fait son cinéma » : https://billetterie.theatremarigny.fr/fr/manifestation/399/elisa_tovati