Le trompettiste Avishai Cohen, figure majeure du jazz contemporain, livrera mardi soir à Jérusalem une performance à la fois ambitieuse et poignante. À l’affiche du Festival d’Israël, il interprétera Ashes to Gold, son dernier album, entouré de son quartet mais aussi de l’Orchestre symphonique de Jérusalem. Un moment rare, puissant, chargé d’émotion.
Ce n’est pas une tournée comme les autres. Derrière les envolées lyriques et la précision d’exécution, Cohen porte un poids : celui du 7 octobre. « Après l’attaque, j’étais sidéré. Silence total. Rien ne sortait. J’ai même voulu tout annuler », confie-t-il. C’est son partenaire de toujours, le pianiste Yonatan Avishai, qui l’a poussé à rejouer. « On doit faire de la musique, m’a-t-il dit. Je crois que c’était une manière de nous sortir de l’abîme. »
Le résultat : un album écrit en une semaine, comme un cri. Sur Ashes to Gold, chaque note de trompette semble contenir une déchirure, un hurlement, un espoir fragile. « Je ne sais pas si c’est mon disque le plus personnel, mais c’est sans doute le plus abouti émotionnellement », estime Cohen.
La structure de l’œuvre suit celle d’une suite classique, avec des morceaux aux allures de lamentations, de sirènes, de chuchotements. La douleur brute y côtoie la lumière — une lumière qu’il dit ne pas avoir consciemment cherchée. « J’étais loin d’être optimiste. Mais si l’on entend de l’espoir dans cette musique, c’est peut-être qu’il était enfoui en moi. »
Un concert unique, entre jazz et classique
Le concert du 16 juillet se tiendra en plein air, dans un espace spécialement aménagé près du Théâtre de Jérusalem. Une scénographie à la hauteur de cette création hybride et dense, qui mêle jazz, cordes, et résonances classiques. Cohen a travaillé les arrangements avec le compositeur Eugene Levitas, après une première expérience marquante : un concert de soutien aux rescapés du kibboutz Nir Oz, en novembre dernier, partagé avec l’Orchestre philharmonique d’Israël.
L’expérience l’a inspiré. Il a étoffé le projet, ajouté un quatuor à cordes, puis rêvé grand. L’invitation du Festival d’Israël est tombée au bon moment : Ashes to Gold allait prendre une autre dimension.
Parmi les surprises de la soirée, une œuvre signée… sa fille Amalia, âgée de 16 ans : The Seventh, morceau qui clôt également l’album. « Une pièce magnifique », glisse Cohen, visiblement ému.
Un musicien au sommet, en quête de sens
À 47 ans, Avishai Cohen n’a plus rien à prouver. Il joue partout dans le monde, dirige le Festival de jazz de Jérusalem, enregistre sous le prestigieux label ECM, collabore avec des orchestres. Et pourtant, ce projet-ci semble différent. Plus viscéral. Plus nécessaire.
« Le public repartira peut-être avec des questions, ou des réponses. Mais une chose est sûre : on ne sort pas indemne d’un tel concert », prévient-il.