Le rugissement des sirènes, l’effondrement d’immeubles, et le chaos des débris... mais aussi, dans le silence qui suit les frappes, les fragments éparpillés d’une vie de création. Entre le 13 et le 28 juin 2025, alors que l’Iran a lancé plusieurs salves de missiles contre Israël, les pertes humaines et matérielles ont été tragiques. Pourtant, au cœur de ces destructions, un autre type de victime a émergé : l’art.
Artistes à terre : vies bouleversées, œuvres perdues
Dans un quartier résidentiel frappé en plein cœur de Tel-Aviv, Yuval Kaspin, célèbre designer de mode israélien, a tout perdu. Son appartement-atelier, où il travaillait depuis des années, a été pulvérisé par une frappe directe. Il ne doit sa vie qu’à une trappe de secours. À son retour, c’est une scène de désolation qu’il découvre : ses créations textiles, ses archives personnelles, ses œuvres en cours... tout a été réduit en cendres. Dans une déclaration à la presse locale, il confie :
« Je suis entré par la fenêtre. Il ne restait rien. J’ai pu sauver mes bottes, c’est tout. »
Plus au nord, à Haïfa, Osnat Steinberger, peintre de 68 ans, a vu son appartement détruit par une frappe. Son témoignage, recueilli par Reuters, résume en quelques mots la détresse d’une artiste privée de toute sa mémoire visuelle :
« Toutes mes œuvres, mes souvenirs, mes photos… tout est parti avec les murs. »
Ces témoignages ne sont pas isolés. D’après les estimations de l’Union des Artistes Visuels d’Israël, plusieurs dizaines d’ateliers ou studios auraient été endommagés ou totalement détruits, notamment à Bat Yam, Tel-Aviv et Rishon LeZion. Certains artistes tentaient encore de reconstituer leur catalogue d’œuvres à partir de photos publiées sur les réseaux sociaux.
L’État en alerte : protéger les musées, un réflexe vital
Face à cette menace directe sur le patrimoine culturel, les institutions israéliennes n’ont pas tardé à réagir. Le Musée d’Israël à Jérusalem, l’un des plus prestigieux du pays, a discrètement transféré certaines pièces de valeur vers des abris renforcés. Parmi elles, des œuvres de Van Gogh, Gauguin, Modigliani, mais aussi des objets archéologiques millénaires.
Un porte-parole du musée a confirmé sous couvert d’anonymat :
« Nous avons des protocoles en cas de guerre totale. Ce n’est pas la première fois que nous les activons, mais cette fois, c’était plus rapide, plus concret. L’ennemi pouvait viser le cœur culturel d’Israël. »
D’autres institutions, comme le musée Tel Aviv Museum of Art, la Bibliothèque nationale ou le Centre Yad Vashem, ont renforcé leur sécurité ou transféré numériquement des archives sensibles dans des serveurs sécurisés à l’étranger.
Leçons d’un traumatisme
Ce choc culturel pose une question existentielle : comment préserver la mémoire artistique d’un pays en guerre ? Car l’art n’est pas seulement un luxe : il est aussi un témoin, un vecteur de mémoire, une expression de l’âme collective.
Dans le passé, Israël avait déjà vu ses musées menacés, notamment pendant la guerre du Golfe de 1991. Mais jamais autant d’artistes n’avaient été touchés de manière aussi personnelle. Aujourd’hui, certains collectifs demandent la création d’un fonds d’urgence national pour les artistes, afin de leur permettre de reconstruire leurs espaces de création et d’archiver leurs œuvres en ligne.
Un devoir de mémoire… et de reconstruction
Ce que les missiles iraniens ont détruit ne pourra jamais être totalement réparé. Mais la résilience du monde culturel israélien, portée par des figures comme Yuval Kaspin ou Osnat Steinberger, témoigne d’un refus de céder. En protégeant leurs œuvres, en racontant leur douleur, en appelant à la reconstruction, ces artistes nous rappellent que dans cette guerre, ce n’est pas seulement la terre d’Israël qui est attaquée — c’est aussi son âme.