Culture

Les Aventures Extraordinaires de Moïse Levy SAISON 2 - Episode 9 - Les cibles

Kibboutz Shtetl Gan Eden, Israël Recruté par le Mossad, Moïse Levy n’est jamais retourné sur le terrain depuis 26 mois. Il a repris le cours tranquille de sa vie au kibboutz, une existence rythmée par les lois de la terre et celle des saisons, loin du tumulte du monde.

6 minutes
1 août 2025

ParGuitel Benishay

Les Aventures Extraordinaires de Moïse Levy SAISON 2 - Episode 9 - Les cibles

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Park Tzameret

La nuit tombait sur Tel-Aviv, mais l’appartement de David restait illuminé comme un cockpit en vol de nuit. Dans le salon, un major de Tsahal s’assoupissait sur une chaise de cuisine, casque sur les oreilles. Un analyste du Mossad scannait des logs de communication en chuchotant des ta-ta-ta nerveux.

Dans la chambre, Ilan observait des micro-capteurs alignés sur une mallette. Ephraïm était allongé, mains croisées derrière la tête, l’air de méditer. C’est alors qu’un grésillement jaillit de l’interphone crypté. Trois bips courts. Puis une voix. Froide. Cassée. Directe : « David, hitorer. Hafnaya zarit al ha-gag. » (Phrase codée : « Mouvement étranger détecté sur le toit. »)

David surgit immédiatement du couloir, sans bruit, comme arraché à un rêve en veille. « Shomer al ha-kan ! » cria-t-il. « Protégez ici. »

 

En quelques secondes, la ruche devint une meute. Un général verrouilla les disques durs. Un officier du Shin Bet éteignit tous les écrans manuellement. Un rideau fut tiré sur la baie vitrée. Ephraïm se leva. Ilan referma sa mallette sans dire un mot.

« Mi amar ça ? » demanda David dans le talkie. Qui a dit ça ?

« Unité Zayin, vigie 2. Deux silhouettes sur le toit. Pas identifiables. Mouvement lent. »

David se tourna vers un jeune officier. « Efshar le-hakshiv ? On peut écouter ce qu’ils disent ? »

« Lo. Trop loin. Et si on amplifie, on se grille. »

David sortit un petit boîtier gris, appuya sur une touche. La lumière du salon vira au bleu. Un signal muet. « Masav Tsalman. Mode Silhouette. »

Tout le monde se figea.

« C’est peut-être des techniciens » dit Vigie 2 à voix basse. « Ou juste deux gars en train de fumer. »

« Efshar », dit Ephraim. « Peut-être. Ou peut-être pas. »

Un silence dense tomba.

« Ma atah marchiv ? Qu’est-ce que tu penses ? » demanda David au colonel.

« S’ils regardent vers ici, c’est qu’ils cherchent une signature thermique. Et si c’est nous qu’ils cherchent... alors on n’a plus le luxe d’être ici dans une heure. »

David hocha lentement la tête et regarda l’officier : « Atah yodea ma la’asot. Tu sais quoi faire. » L’homme sortit en courant vers la cage d’escalier. Une procédure avait commencé. Pas une fuite. Une mutation.

 

Cinq minutes plus tard, la voix revint dans le talkie. « Roo’im et ha-dmutot. Ze karov. Ehad noshe mashéhu. On voit les silhouettes. C’est proche. L’un d’eux porte quelque chose. »

David serra la mâchoire.

« Im ze rak mishmar ezrahi, soupira Ephraim, je jure que je fais le café à tout le monde pendant une semaine. Mais personne ne rit.

Et puis, d’un coup : « Negmer. Fini. Les deux silhouettes ont quitté le toit. Pas de signe de matériel. Aucun capteur déclenché. »

On respira enfin. Mais pas trop. David se tourna vers tous les présents. « Mi she-nachshav lo niklaf. Celui qui est visible... n’est déjà plus là. » Puis il claqua dans ses mains. « Lakoum. On déménage. En une heure max. C’est plus un nid ici. C’est une cible. »

Puis il se tourne vers Ephraim ; « Toi et ton gars vous restez là. Pas le temps de bouger. » 

Dans des tunnels, quelque part en Corse

Toujours à tâtons, ils cherchent une correspondance avec la carte, en vain. Ils ne savent pas de quels tunnels il s'agit. A quoi s’appliquent ces codes ? Ils examinent les parois, scrutent chaque recoin à la recherche des portes mentionnées, mais la carte ne mène à rien. Moïse et Yaël découvrent des artefacts du réseau Nili, qu'ils mettent dans un sac de toile : vieilles transmissions codées, restes d'un ancien matériel d'espionnage, traces d'un passé enfoui sous la poussière de l'histoire. Mais rien en rapport avec les codes. Un bruit sourd les interrompt. Moïse tend l'oreille. Des voix. Des bruits de pas. Puis une détonation.

Bahram Al-Nassiri et ses hommes ont découvert l'entrée du tunnel. Yaël saisit Moïse par le bras et l'entraîne vers le bunker. Juste à temps. Les tirs fusent derrière eux, ricochent sur la pierre. Ils se plaquent contre les parois en reprenant leur souffle.

« Nous sommes coincés », souffle Yaël.

Le réseau passe mal. Moïse a une intuition. Il appelle Dora, lui donne un code et lui demande si elle peut donner son avis. Le téléphone grésille. Puis Dora confirme qu'il y a probablement un lien avec leur grotte, celle de leur enfance et du tunnel où ils s’étaient cachés après l’attaque du kibboutz. Yaël ne comprend pas. Moïse lui explique que les tunnels qu'ils cherchent ne sont pas en Corse mais au kibboutz. Ceux-ci ne sont qu'une réplique miniature de ceux qui existent en Israël. L'espionne se met à rire et lui dit qu'il est fou. Elle ajoute : « Maintenant, il faut se concentrer sur le premier problème. J'avais une solution pour moi, je n'avais pas prévu d'être bloquée ici avec toi. Il y a un conduit d'aération, mais il est trop étroit pour toi. »

Moïse lui coupe la parole. « Tu suis ton plan, c'est simple. »

Yaël hoche la tête. « Et toi bourricot ? »

« Je fonce, c’est encore plus simple. »

« Moïse, rien n'est simple et tout est létal. »

Moïse la regarde avec douceur. « Et sinon ? »

« Sinon ? On cherche une solution où tout le monde va vivre. »

Ils fouillent chaque recoin, testent les structures, cherchent un passage caché, mais rien. Finalement, ils échangent un regard.

« Je sors le premier », tranche Moïse.

« Attends… » commence Yaël, mais il est déjà en mouvement.

Il avance avec assurance, tentant d'imiter l’attitude d'un vrai agent, tel qu’il se l’imagine. La porte métallique s'ouvre en grand. Une rafale éclate. La douleur le foudroie instantanément. Une balle l'atteint. Il s'écroule.

Le chaos autour de lui semble s'éloigner, comme si son esprit dérivait ailleurs, porté par une musique qu'il n'entend qu'à moitié, une mélodie israélienne douce et lancinante. Il va mourir. Sa pensée s'égare vers Dov. Autour de lui, Yaël en furie s'agite, tirant à bout portant, un revolver dans chaque main. Son corps se meut avec une précision mécanique, une froideur maîtrisée. Et lui ? Il se sent hors du temps, comme s'il n'était déjà plus là, comme si cette scène n'était qu'une peinture mouvante et irréelle. Il voit l’action au ralenti, figée dans l'œil d'un instant qui s'étire. Pour lui, ce ne serait rien, une transition, un évanouissement. Pour Dov, ce serait quoi ? Une absence. Et Yaël ? Une blessure de plus. Dora, David, les gens du kibboutz, tous ces visages d'un passé qui continuent de respirer en lui – ils sont tous un peu ses enfants. Il les a portés, aimés, protégés à sa manière. Il a veillé sur eux comme un ami, un frère, un père. Et D-ieu dans tout ça ? Moïse n'a jamais cru à ces histoires. Son judaïsme est une empreinte, pas une foi. La mort n'est pas un châtiment, ni une délivrance. Elle est une ponctuation, un silence entre deux battements d'univers. Il esquisse un sourire. Mourir, ce n'est pas si grave. Vivre, par contre… 

Un hurlement le ramène à la réalité.

Yaël, toujours debout, continue de tirer. Deux balles sifflent et percutent un adversaire. La scène reprend sa vitesse normale. La douleur explose en lui, la balle logée dans son corps redevient un feu brûlant. Il est encore là. Et va survivre. Yaël le tire en arrière, le traîne à l'intérieur en jurant.

« Suivre le plan, hein ? » grogne Yaël entre ses dents serrées.

Elle appuie sur sa blessure. Son regard est inquiétude. « La prochaine fois, tu fais confiance aux pros. »

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