Culture

Les Aventures Extraordinaires de Moïse Levy SAISON 2 - Episode 10 - La voie de D-ieu

Kibboutz Shtetl Gan Eden, Israël Recruté par le Mossad, Moïse Levy n’est jamais retourné sur le terrain depuis 26 mois. Il a repris le cours tranquille de sa vie au kibboutz, une existence rythmée par les lois de la terre et celle des saisons, loin du tumulte du monde.

8 minutes
8 août 2025

ParEden Levi Campana

Les Aventures Extraordinaires de Moïse Levy SAISON 2 - Episode 10 - La voie de D-ieu

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Haute Corse, une route en direction de l’aéroport.

Bahram roule à toute allure sur la route sinueuse qui descend du maquis. Les phares tranchent l'obscurité, projetant des ombres fantomatiques sur les pins tortueux. Son téléphone vibre de nouveau. Il jette un œil rapide à l’écran. C’est Khaled.

« Parle », ordonne-t-il en décrochant.

La voix de son lieutenant est tendue, haletante. « On les tient. Coincés dans la grotte. Il n’y a qu’une issue, ils ne peuvent pas fuir. »

Bahram serre le volant. Un léger sourire lui échappe, glacé. « Parfait. Chopez les vivants. »

Des coups de feu éclatent. Khaled tire et hurle. « Ils nous tirent dessus. Nous ne pouvons pas les prendre vivants. C’est bloqué. »

Bahram cogne le tableau de bord de son poing. « Tu te débrouilles. Je les veux vivants ! Ils doivent parler ! »

Khaled reprend. « On essaie le gaz. Ils seront inconscients. »

Bahram appuie sur l’accélérateur.

Londres, City, il y a une semaine

Dans un pub de la rive gauche de la Tamise, Ali Mahdavi sirotait un expresso trop amer en feuilletant le Financial Times. À quarante-sept ans, l'ingénieur iranien n'avait rien d'un espion. Il était l'un des architectes clés du programme nucléaire de son pays, et son talent en physique appliqué lui avait valu une ascension fulgurante. Mais ses voyages fréquents en Europe avaient attiré l'attention du Mossad. Depuis plusieurs mois, les services israéliens cherchaient une faille. Ils en avaient trouvé une. Elle venait d'entrer dans le café, une robe rouge épousant ses formes avec une précision chirurgicale. Elle s'appelait Cindy. Yaël en réalité.

Elle repéra Mahdavi immédiatement. À la table en coin, concentré sur son journal, le regard affûté mais distrait. Un homme méthodique, habitué aux chiffres et aux calculs, mais pas aux pièges. Elle passe près de sa table, ralentit imperceptiblement, puis fait semblant d'hésiter.

« Excusez-moi, ce siège est-il pris ? »

Un classique. Un peu éculé, peut-être. Mais efficace. Mahdavi relève la tête. Il vit une magnifique, des yeux verts pétillants d'intelligence, un sourire à la fois assuré et hésitant. Une française, une vraie parisienne, pensa-t-il.

« Pas du tout. S’il vous plaît, asseyez-vous. »

Le piège venait de se refermer. Yaël joua le rôle à la perfection. Une française en voyage d'affaires, fascinée par Londres mais surtout avide de rencontres inattendues. Mahdavi, d'abord méfiant, se détendit vite. Il aimait parler, surtout lorsqu'il pouvait briller. Il évoqua ses études à Téhéran, son travail d'ingénieur, son expertise en physique quantique. Cindy-Yaël écoutait, fascinée.

Les jours passèrent. Ils se croisèrent « par hasard » dans le même hôtel, puis partagèrent un dîner improvisé dans un restaurant persan. Mahdavi se laissait prendre au jeu et même un peu plus. Le quatrième soir, il l’invita pour le week-end en Italie. « Viens avec moi à Rome. Juste pour deux nuits. »

Elle hésita, juste assez pour qu'il insiste. « Je ne sais pas… Tu es fou. »

Il rit. Elle sourit.

Le lendemain, ils prenaient un vol pour l'Italie. L'hôtel choisi par Mahdavi était luxueux, un cinq étoiles, discret, où les clients ne posaient pas de questions. Mais ce n'était pas lui qui avait fait la réservation. C'était le Mossad. Dans la chambre, le champagne était déjà servi. Mahdavi, euphorique, se pencha vers elle. « À nous. »

Elle sourit et trinqua. Il voulut l’embrasser mais elle joua encore un peu avec ses nerfs.

« Laisse-moi me rafraîchir. »

Elle sorti de la chambre et referma la porte. Dans le couloir, trois hommes étaient présents. En moins de trente secondes, l’opération fut bouclée. Mahdavi n'eut pas le temps de crier. Une seringue dans le cou. Il tenta de se débattre, mais ses muscles cédèrent. Ses paupières se fermèrent. Dans son dernier instant de conscience, il pensa à Cindy. Elle venait d’exécuter l'opération « Docteur du Désert. »

Dans un avion privé en direction d'Israël

Yaël regardait la mer en contrebas. Un agent s'assit à côté d'elle. « Il est réveillé. »

Elle hocha la tête. « Il parle ? »

L'agent haussa les épaules. « Pas encore. Mais il parlera. »

Yaël détourna les yeux vers le hublot. Elle pensa à Mahdavi. À son sourire, à sa voix posée. À la facilité avec laquelle il était tombé dans le piège.

Une semaine plus tard, complexe nucléaire, périphérie sud de Téhéran, 22h22

La lumière blafarde des néons peinait à percer la brume épaisse. Trois silhouettes avancèrent entre les containers, tenues sombres, casquettes grises, faux badges pendus au col. Un des hommes, barbu, laissa glisser un badge magnétique contre un boîtier. Un clac discret. La porte du hall administratif s’ouvrit.

« Od shalosh dakot », murmura Yaël. Trois minutes.

Ils avancèrent vite, dans un couloir long comme une artère. Au bout, la salle informatique. Les caméras étaient gelées par un virus injecté à distance depuis Tel-Aviv.

Un miracle temporaire. Et ils le savaient.

Dans la salle, un bruit de disque dur. L’écran clignotait. Yaël connecta un disque externe.

« Yesh li ze. J’ai les fichiers. »

« On est bon ? » demanda l’agent au keffieh.

« Enrichissement, trajectoires balistiques. Merci Mahdavi. »

Le troisième agent, posté à la porte, murmura, tendu : « Zman latzet. Faut partir. »

Mais alors, un bruit. Pas celui prévu. Une patrouille. « Tsssss. Pas maintenant. »

Des voix. Une lampe torche. Yaël se redressa. « Tnu li or », dit-elle calmement. « Donnez-moi la lumière et soyez prêts à courir. » Un frisson. Puis une déflagration sèche, contrôlée. Derrière le mur, une charge avait sauté. L’alarme hurla. Les lumières clignotèrent. Des cris. Des ordres. Le chaos. « Rutz! hurla-t-elle. Courez ! » Ils sprintèrent dans le couloir, sabordant tout sur leur passage. Une balle fusa, déchira l’épaule du plus jeune agent. Il vacilla. Yaël fit volte-face, le tira par le gilet, l’autre agent couvrant leur fuite avec un Beretta silencieux. « Od rega, od rega! Encore une seconde. »

Ils atteignirent la camionnette. Les portières claquèrent. Les pneus hurlèrent. Derrière, les projecteurs se rallumaient. Un tir. Puis un autre. Yaël tenait la main du jeune héros, le sang coulant sur la banquette. Elle murmura une prière en hébreu, sans voix. « Tachzik maher », dit-elle au conducteur. Tiens bon. Roule.

À l’aube. Zone frontalière. Ils franchissent une barrière grillagée, moteurs coupés. Un homme les attend. L’avion est là, à quelques centaines de mètres. Mossad. Dugit mehuchkhet. C’est un vol noir, affrété sans traces. Yaël grimpe à bord, tenant toujours la main du blessé. Juste avant de monter, elle regarde en arrière. Le soleil se lève sur la frontière.

Complexe nucléaire, périphérie sud de Téhéran, 23h23

Bahram Al-Nassiri, veste en cuir, bottes poussiéreuses, regarde le cratère encore fumant. Autour de lui, les ingénieurs hurlent, les soldats fouillent. Un jeune militaire s’approche, tendant un badge plastique. « Monsieur, regardez ça. »

Une fausse carte de visiteur. Trouvée dans une rigole d’évacuation, entre deux câbles fondus. Le visage flou d’une femme. En noir et blanc. Al-Nassiri plissa les yeux. La photo était mauvaise, mais suffisante. Il partit vers l’aile nord. Lentement. Comme quelqu’un qui sait que la guerre vient de changer de visage.

Tel-Aviv, siège du Mossad, Salle 7, niveau -3

La lumière est blafarde. Les murs sont en béton brut, tapissés d’écrans. Yaël est assise, droite, les traits tirés, une perfusion de glucose encore plantée dans le bras. Devant elle, une simulation en 3D d’un silo souterrain. À l’écran, un mot clignote en rouge, le nom de l’ogive : ZAFIR–122

Sur la droite, Yonatan. Bras croisés. « Shtei shavuot ? Deux semaines ? Sérieusement ? »

David ne répond pas. Il observe les images satellite. Les couches thermiques. Les rapports codés. À côté de lui, Jarod fait rouler un stylo entre ses doigts, avant de murmurer : « Yesh shita yeshana » dit-il avec un sourire sec. A l'ancienne. Moins de scientifiques, moins de problèmes. »

Yonatan tourne la tête vers lui, sans sourire. « Ce n’est pas le moment de plaisanter, Jarod. On parle d’un seuil nucléaire. »

Yaël ne dit rien. Elle fixe l’écran. Ses yeux sont fatigués mais fixes. Elle se tourne vers David. Sa voix est ferme, malgré l’épuisement. « Ani tsricha latso le-Korsika. Je dois aller en Corse. »

Un silence. Puis des regards. Yonatan éclate : « Tagidi li she-zeh od pa’am ha-saba ha-meshuga ha-zeh, c’est encore ce vieux fou, le chasseur de nazis ? Tu veux vraiment qu’on perde du temps avec ses hallucinations ? »

« Il n’hallucine pas », coupe Yaël. « Il détient des noms, des flux, des routes anciennes. Des caches d’armes oubliées. Et surtout... des survivants que personne n’écoute. Des gens qui ont vu l’axe passer. De l’intérieur. »

Yonatan claque la table. « On n’a pas le luxe de suivre des légendes. On a deux à trois semaines avant que ça devienne Sheol, l’enfer. »

David reste silencieux. Il regarde Yaël longuement. Il sait qu’elle ne parle jamais pour rien.

« Madua Korsika ? » demande-t-il enfin. Pourquoi la Corse ?

« Tu sais pourquoi. Je dois lui parler. Panim el panim. En face. »

Yonatan roule des yeux. Jarod rit dans sa barbe. David soupire. « Yotset hayom, tu pars aujourd’hui. Trois jours. Pas une heure de plus. Je veux un rapport dès ton arrivée là-bas. Et quelqu’un qui te couvre à distance. »

Il se tourne vers Ephraïm dans l’ombre. « Atah ba ima, tu pars avec elle. Discret. »

Ephraïm hoche la tête.

 

Dans le couloir, alors qu’elle marche vers l’ascenseur, Yonatan lui lance : « c’est vraiment une perte de temps. »

Yaël le regarde. Puis entre dans la cage. « Ken, je sais. Mais parfois, D-ieu passe par des voies inattendues. » La porte se ferme.

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