Alors qu’Israël finalise ses préparatifs pour la conquête de la ville de Gaza – considérée comme l’un des derniers bastions du Hamas –, l’ONU s’apprête à franchir un nouveau seuil politique explosif. Un rapport spécial, attendu aujourd’hui, devrait qualifier officiellement la situation humanitaire dans la ville de « famine sévère ». Ce serait la cinquième fois que l’état de sévère famine est officiellement reconnu, et la première en dehors du continent africain.
Selon ce rapport, au moins 20 % des foyers de Gaza-ville et des camps environnants font face à une pénurie alimentaire extrême, au moins 30 % des enfants souffrent de malnutrition sévère et de déshydratation et chaque jour, deux personnes sur dix mille meurent de faim.
L’ONU avait déjà tiré la sonnette d’alarme il y a un mois, évoquant « le pire scénario possible » en matière de famine et de malnutrition, sans toutefois franchir le pas d’une déclaration officielle. Les experts de l’IPC estiment aujourd’hui que les conditions minimales de famine sont réunies dans la majorité de la bande de Gaza, en particulier dans la ville de Gaza.
La réaction d’Israël n’a pas tardé. L'ambassadeur israélien à l’ONU, Danny Danon, a dénoncé une décision « motivée politiquement » : « Au lieu de changer les critères pour servir le narratif du Hamas, la communauté internationale ferait mieux de se concentrer sur les otages encore détenus à Gaza et sur le terrorisme qui menace les citoyens d’Israël. Ceux qui exploitent le terme ‘famine’ à des fins politiques nuisent d’abord aux habitants de Gaza eux-mêmes. »
L’armée et le gouvernement israéliens accusent le Hamas d’instrumentaliser la crise humanitaire, tout en affirmant qu’Israël a multiplié les livraisons de nourriture, de médicaments et de produits de première nécessité. « Pendant que nous permettons l’entrée de cargaisons massives de denrées, les organisations internationales choisissent de relayer la propagande d’une organisation terroriste », a critiqué le général Ghassan Alian, coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires.
Dans les capitales occidentales, la tendance est de plus en plus critique vis-à-vis d’Israël. Plusieurs pays européens et les États-Unis s’opposent déjà ouvertement au projet israélien de conquête de la ville de Gaza. L’annonce de l’ONU risque donc de renforcer la pression diplomatique et d’isoler davantage Jérusalem.
Face à ce contexte tendu, Benyamin Netanyahu a pris la parole jeudi soir. Il a affirmé avoir donné instruction d’amorcer « immédiatement » des négociations pour la libération de tous les otages, parallèlement à la préparation opérationnelle de Tsahal pour prendre le contrôle de la ville de Gaza et défaire le Hamas : « Les deux objectifs – écraser le Hamas et libérer nos otages – vont de pair ».
Dans les faits, Netanyahu a rejeté la dernière proposition transmise par les médiateurs et acceptée par le Hamas : une trêve de 60 jours contre la libération de dix otages vivants et dix-huit corps. Le chef du gouvernement réaffirme ses conditions : désarmement total du Hamas, restitution de tous les otages et dépouilles en une seule fois, démilitarisation complète de la bande de Gaza et mise en place d’une administration civile « ni Hamas, ni Autorité palestinienne ».