Militante infatigable pour le dialogue interculturel, Sandra Ifrah incarne l’engagement citoyen et la force d’une voix féminine au service de la paix. Elle se présente comme la porte-parole de Wo men United for Peace, un collectif rassemblant des femmes de tous horizons pour défendre la dignité humaine, lutter contre la haine et porter haut l’idéal de réconciliation. Consciente que les femmes sont trop souvent les premières victimes des conflits, elle en fait des actrices essentielles des initiatives de paix. Ambassadrice de l’association France-Israël, elle multiplie aussi les événements solidaires afin de soutenir des associations et collecter des fonds.
EDEN LEVI CAMPANA : Vous revenez tout juste d’un nouveau rassemblement. Pouvez-vous nous en parler ?
SANDRA IFRAH : À la suite du rassemblement hebdomadaire organisé par le CRIF et la WIZO, qui se tient depuis près de deux ans place du Trocadéro pour rappeler au monde l’existence des 48 otages encore retenus à Gaza, nous nous sommes retrouvés devant la Tour Eiffel. Avec des panneaux et des slogans clairs, nous avons voulu exprimer notre indignation face à la reconnaissance prématurée d’un « État palestinien » par le président Macron, annoncée à l’ONU il y a quelques jours, le jour même de Roch Hachana. La veille déjà, à l’initiative du collectif The Truth, un rassemblement s’était tenu devant l’Élysée avec ces mêmes messages. Il s’agissait d’une mobilisation à forte portée symbolique.
E. L.C : Qui étaient présents lors de ce second rassemblement improvisé ?
S.I. : Ce second rassemblement improvisé, dans la continuité de celui de la veille puis de celui dédié aux otages ce midi, a une nouvelle fois illustré l’unité des collectifs et associations de la communauté juive de France face à l’incompréhension et à l’indignation suscitées par la décision du président de la République. Étaient présents plusieurs personnalités et responsables : Roger Karoutchi, l’adjoint au maire de Levallois David-Xavier Weiss, la vice- présidente du CRIF Nathalie Cohen-Beizermann, la présidente de la WIZO Nathalie Riu-Guez, le président du FSJU Ariel Goldman, ainsi que des collectifs tels que The Truth, Women United for Peace, DDF et Tous 7 Octobre…

E. L.C : Vous évoquez Roger Karoutchi. Quel rôle joue-t-il dans ce contexte ?
S.I. : Roger Karoutchi est un homme politique courageux et fidèle à ses convictions, comme il en existe malheureusement trop peu aujourd’hui. Il a d’ailleurs pris la parole lors du rassemblement pour les otages et a partagé avec nous un témoignage bouleversant d’un ancien otage du Hamas. Quelques jours avant le discours du président Macron à l’ONU, il avait également participé à une réunion organisée par l’association Agir Ensemble, dans le but de tenter de faire évoluer la position française. Son discours, fort et juste, a largement circulé sur les réseaux sociaux, montrant beaucoup de lucidité : « Il y a une part d’émotion, une part de calcul politique, et aussi une part d’inconscience. Le président de la République croit qu’on lance un mouvement et que tous les Etats arabes vont suivre, que Israël va être heureux, que les palestiniens seront contents, comme si les réalités politiques, démographique, populaire n’existaient pas ». Nous lui devons un grand merci pour son courage et sa détermination. C’est un mensch, un juste.
E. L.C : La France a reconnu un État palestinien. Comment analysez-vous cette décision ?
S.I. : Cette reconnaissance est avant tout symbolique : rien ne va changer concrètement, d’aut nt plus que les conditions posées par Emmanuel Macron ne sont pas réunies : les otages ne sont pas libérés, le Hamas n’est pas désarmé et les pays arabes n’ont pas reconnu Israël. Les principaux concernés, Israël et l’Autorité palestinienne, n’étaient même pas présents lors de cette annonce. Benyamin Netanyahou s'est exprimé vendredi à L’ONU, soit deux jours après. Nous remercions les États-Unis pour leur soutien. Cette décision n’aura pas de portée réelle sur le terrain, si ce n’est de faire du mal à Israël et à la communauté juive, en France comme dans le monde. De plus, elle a été imposée par la seule volonté du chef de l’État, contre l’avis de 71 % des Français. Reconnaître un État palestinien aujourd’hui, c’est récompenser le terrorisme et le Hamas. Récompenser le terrorisme, c’est fragiliser Israël. Fragiliser Israël, c’est atteindre le peuple juif. Atteindre le peuple juif, c’est céder devant l’islamisme. Et céder devant l’islamisme, c’est trahir la France, celle de la République, celle de Charlie Hebdo. Dans le contexte actuel, cette reconnaissance ne fait qu’alimenter l’islamisme radical et risque de légitimer de nouvelles violences contre les Français juifs. En imposant sa vision géopolitique, le président de la République a sacrifié la sécurité d’une partie de ses concitoyens. C’est pourquoi cette décision est ressentie comme une véritable trahison. Roger Karoutchi parle même « de menace sur l’héritage judéo-chrétien de l’Europe ».