Moyen-Orient

Le cahier secret de Sinwar : la méthode derrière l’horreur

Un document manuscrit saisi dans la bande de Gaza révèle, selon les services israéliens, des consignes précises visant à tromper Tsahal et à frapper vite — en moins de quinze minutes — villages et bases.

3 minutes
12 octobre 2025

ParDelphine Miller

Le cahier secret de Sinwar : la méthode derrière l’horreur
Photo: Attia Muhammed/Flash90

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Un document inédit, présenté au public cette semaine par le Meir Amit Intelligence and Terrorism Information Center et repris par la presse israélienne et internationale, jette une lumière glaçante sur la préparation de l’attaque du 7 octobre : il s’agit, affirment ces sources, d’instructions manuscrites attribuées à Yahya Sinwar destinées à camoufler les préparatifs, percer les défenses et imposer une « réalité » sur le terrain avant que Tsahal et les secours n’aient le temps de répondre.

Une page du cahier secret de Sinwar

Le texte décrit une méthode calculée, pas une simple explosion de violence : percées planifiées en vagues, usage d’engins lourds (bulldozers et matériel d’ingénierie) pour ouvrir des brèches dans la clôture et faciliter l’entrée massive des combattants, et une chronologie serrée visant à atteindre les communautés en moins de quinze minutes — une fenêtre qui, selon l’auteur du document, rendrait impossible une riposte efficace.

Tactiquement, la « recette » est détaillée au niveau des équipes : une première escouade d’éclaireurs motorisés (10–12 hommes) devait franchir rapidement les clôtures locales, neutraliser les postes de réserve et ouvrir la voie à des pelotons Nukhba (60–100 combattants) pour assurer l’extension immédiate de l’attaque. Le document insiste sur la coordination des vagues — première, deuxième, troisième — chacune accompagnée de « cartes et d’objectifs » scellés, et sur l’activation rapide de renforts pendant les six à dix premières heures pour consolider les gains.

Pire encore, le texte prescrit explicitement l’instrumentalisation des crimes : filmer et diffuser les scènes les plus spectaculaires — exécutions au ras-du-corps, piétinement de corps, incendies massifs, explosions de véhicules — pour semer la terreur et provoquer « une explosion d’ivresse et de folie » parmi les partisans, afin d’amplifier l’effet psychologique bien au-delà du champ de bataille. Des écoutes et enregistrements interceptés par des unités de renseignement israélien corroboreraient que certains groupes ont suivi ces consignes, transformant la violence en propagande.

Ces révélations posent deux séries de questions politiques et militaires : d’une part, pourquoi ces directives, si structurées, n’ont-elles pas été détectées ou neutralisées plus tôt ; d’autre part, quelles leçons opérationnelles et civiles tirer — de la sécurisation des communautés au renforcement des anciennes lignes de détection, jusqu’à la préparation psychologique des populations menacées ? Les analystes du Centre Meir Amit estiment que la volonté de « créer des images » faisait partie intégrante de la stratégie, rendant la menace aussi médiatique que militaire.

Pour les familles des victimes et pour l’opinion publique, la mise au jour de ce cahier transforme l’horreur en sinistre calcul : il ne s’agit pas seulement d’un massacre, mais d’une tentative méthodique d’utiliser la cruauté comme arme psychologique et politique. La publication de ces éléments appelle à une réponse — judiciaire, mémorielle et stratégique — qui tienne compte à la fois de la responsabilité des auteurs et des failles exposées.

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