À peine deux ans après les dernières législatives, les Néerlandais retournent aux urnes ce jour, mercredi, pour des élections anticipées qui s’annoncent aussi confuses que décisives. Les sondages indiquent une progression du centre-gauche, mais aussi une victoire probable du Parti pour la liberté -PVV- de Geert Wilders, figure populiste pro-israélienne. Le paradoxe : sa formation devrait redevenir la première du pays, tout en étant exclue de toute coalition.
Le gouvernement précédent, dirigé par un technocrate nommé après la victoire électorale de Wilders en 2023, n’a tenu que onze mois. Le chef du PVV, frustré de n’avoir pas pu imposer sa réforme migratoire, a fini par faire éclater la coalition. Ses anciens partenaires, furieux de son impulsivité, ont juré de ne plus gouverner avec lui. Aujourd’hui encore, la droite libérale -VVD- et plusieurs formations centristes affirment qu’elles refuseront de siéger dans un gouvernement dominé par Wilders, malgré sa probable première place avec 27 à 33 sièges contre 37 auparavant.
La gauche écologiste et sociale-démocrate, emmenée par Frans Timmermans, ancien commissaire européen, semble la mieux placée pour former une alternative. Timmermans, virulent critique d’Israël, a récemment accusé Benyamin Netanyahu de “génocide à Gaza”. Il pourrait obtenir entre 22 et 24 sièges.
Face à lui, le chrétien-démocrate Henri Bontebal, 43 ans, jeune et populaire, espère fédérer une coalition centriste capable de ramener la stabilité politique. Mais avec quinze partis représentés au Parlement et un seuil d’entrée inférieur à 1 %, la constitution d’un gouvernement nécessitera au moins quatre formations, aux orientations idéologiques souvent opposées.
Pendant des décennies, les Pays-Bas ont été considérés comme l’un des alliés les plus constants d’Israël en Europe. Mais le dernier gouvernement, pourtant dominé par la droite, a surpris Jérusalem par une attitude de plus en plus critique. Sous l’impulsion de l’ex-ministre des Affaires étrangères, Caspar Waldkamp, La Haye avait appelé l’Union européenne à enquêter sur de possibles violations des droits humains par Israël à Gaza, et tenté sans succès d’imposer des sanctions. Ces initiatives, menées à l’encontre de la volonté de Wilders, ont marqué un tournant : la neutralité néerlandaise s’est muée en hostilité ouverte sur la scène diplomatique. Caspar Waldkamp, donné perdant, devrait quitter la vie politique, mais à Jérusalem, on redoute la formation d’un gouvernement de centre-gauche susceptible de poursuivre cette ligne anti-israélienne.
Depuis le 7 octobre, les Juifs néerlandais vivent une période difficile. À Amsterdam, la maire Femke Halsema a qualifié la guerre d’Israël contre le Hamas de “génocide”, et changé de ton après avoir initialement exprimé de l’empathie pour les supporteurs israéliens agressés.
À Rotterdam, des appels ont été lancés pour boycotter les navires israéliens, exclure l’équipe de baseball d’Israël et licencier des enseignants israéliens.“De nombreuses portes se ferment devant nous, y compris celles de politiciens locaux qui craignent d’être vus à nos côtés, si la tendance se poursuit, la prochaine génération de Juifs européens choisira peut-être de vivre ailleurs, là où elle peut exprimer son identité librement“, déplore Chris den Hooft, président de la communauté juive de Rotterdam.