Segev a été enlevé lors du festival Nova le 7 octobre 2023. Il raconte les premiers instants de l'attaque du Hamas: "J'ai aperçu une file de gens, des centaines de personnes qui couraient", raconte-t-il. "Nous ne voulions pas fuir dans n'importe quelle direction, ils couraient vers Gaza. Nous avons fui de l'autre côté. Nous avons commencé à entendre les tirs se rapprocher et s'intensifier dans notre direction."
À un moment donné, alors qu'il s'était arrêté près d'un arbre pour reprendre son souffle, une branche à côté de lui a été touchée par une balle. "La branche a littéralement explosé devant mes yeux. C'était exactement à la hauteur de ma tête. Dix centimètres de moins et c'était dans ma tête", se souvient-il.
"Nous courions dans un champ, je ne savais pas où j'allais, je fuyais simplement les balles. Les balles ont commencé à siffler entre mes oreilles. Puis, au moment où j'ai atteint la route et que je la traversais, j'ai regardé à droite et j'ai aperçu des dizaines de pick-up avec des terroristes qui arrivaient vers moi."
Plusieurs terroristes du Hamas se sont alors jetés sur lui. "Ils m'ont roué de coups. Ils m'ont cassé deux dents avec la crosse d'une arme, et avec des coups de poing. Des civils gazaouis qui étaient là frappaient aussi. Je ne sentais déjà plus rien. Ils m'ont soulevé, poussé au milieu du pick-up. Nous recevions des balles sur le véhicule, j'attendais ma mort. Je savais qu'à chaque instant j'allais mourir."
Les terroristes ont traîné Segev dans un bâtiment à Gaza. "J'étais sûr d'être le seul dans Gaza", dit-il. "Puis ils m'ont roué de coups dans ce bâtiment. À un moment donné, je ne sentais déjà plus les coups, je ne criais pas, rien. Je comprenais que c'était comme ça qu'ils me tuaient, voilà, maintenant j'étais en route vers la mort."
''Puis un terroriste m'a placé un couteau très fort contre la gorge. Il m'a demandé : 'Comment tu t'appelles ?' et je lui réponds, avec la voix qu'il me restait : 'Segev'. Quand je lui dis Segev, ils recommencent à me frapper violemment. Puis il me redemande, je lui répète, et il me roue encore de coups."
Segev comprendra plus tard la raison de cette violence : en arabe, "saqf" signifie "plafond". "Apparemment, quand je lui ai dit Segev, soit il n'a pas réussi à comprendre mon nom, soit il a cru que je me moquais de lui, je ne sais pas", explique-t-il aujourd'hui.
C'est alors qu'il a entendu d'autres noms : "Yossef" puis "Maxim". "Alors j'ai compris qu'il y avait avec moi Yossef (Haïm Ohana) et Maxim (Herkin). Je n'étais pas seul." Les trois hommes ont ensuite passé les mois suivants ensemble dans un appartement au centre de Gaza, dans des conditions terribles.
Segev a raconté la famine volontaire et brutale qu'ils ont subie. "Ils nous affamaient", a-t-il déclaré. "Je voyais ce qu'ils mangeaient : un bol de fromage, un bol de fèves, un paquet de saj' (pain fin). Nous recevions un seul saj'. La faim a commencé à dévorer le corps. Le matin, il venait, nous apportait une tomate, c'était le petit-déjeuner. Il la coupait en quatre, mangeait un quartier, et nous distribuait les trois autres."
Même aller aux toilettes était devenu un calvaire. "Une fois j'ai demandé à aller faire pipi, les toilettes étaient juste en face", se souvient Segev. "Le chemin vers les toilettes est devenu un cauchemar. Avec un fouet en caoutchouc, il me frappait. Puis je tombais et il me relevait par les cheveux, me frappait encore de toutes ses forces. Je me suis dit, bon, même si j'ai besoin des toilettes, je ne demande plus à y aller. Je vais uriner sur moi et je n'irai pas aux toilettes. Et c'est ce qui s'est passé."
Huit mois après leur enlèvement, lors de l'opération Arnon qui a permis le sauvetage d'Almog Meïr Jan, Andreï Kozlov, Shlomi Ziv et de Noa Argamani, ils ont été transférés dans un tunnel. "L'opération s'est déroulée juste en dessous de notre maison. Dans le même quartier où nous étions. Cinq maisons à côté de nous. Des missiles tombaient du ciel comme de la pluie."
Dans le tunnel, Segev, Yossef et Maxim ont rejoint Bar Kuperstein, Ohad Ben Ami et Elkana Bohbot. "Là aussi ont commencé les sévices, les tortures, je dirais même", raconte Segev. "Les coups de fouet, les coups de toutes leurs forces, ils mettaient des bagues pour laisser des marques."
Segev se souvient également de l'incident qu'Ohad Ben Ami a raconté après sa libération. "Un jour, je vois un nouveau gardien nerveux, il ouvre Al-Jazeera, nous dit : 'Vous voyez ça ? Votre armée a tué trois de nos civils, et nous avons pris la décision au Hamas d'exécuter trois prisonniers. Choisissez qui parmi vous sera exécuté.'"
"Il a pris la Kalachnikov, l'a armée, l'a pointée vers nous. Nous étions terrifiés, figés, ne sachant pas quoi faire, je voyais déjà la balle se libérer. Puis il nous a dit : 'Bon, je vois que vous ne choisissez pas. Il nous a fait asseoir par groupes de trois, face à face, les uns fixant les autres dans les yeux. Nous comprenions alors que trois d'entre nous n'en sortiraient pas vivants. Nous étions arrivés à six, mais seuls trois repartiraient."
"Puis il s'est amusé avec nos vies. Il a déclaré : 'Bon, ceux à droite seront blessés, ceux à gauche seront exécutés'. Ensuite il nous ordonnait : 'Toi, déplace-toi ici, toi, va là-bas, non attends, finalement toi, change de place'. Il se jouait de nous, nous faisant croire tour à tour que nous serions épargnés ou condamnés à mort. Cette macabre mise en scène a duré six heures interminables."
"À un certain moment, je me suis dit que pour mettre fin à ce phénomène appelé Hamas, je devais me sacrifier pour le pays", a partagé Segev. "Je voulais que la guerre continue, pour les éliminer. Même si cela me coûtait la vie. Un tel mal doit être détruit. Même si je devais donner ma vie."
Mais l'espoir d'un accord a changé sa perspective. "Puis est venue une période différente. Une période où il y avait des négociations, où soudain il y avait un peu de lumière au bout du tunnel et de l'espoir, alors tu changes ta façon de penser. Tu te dis, non, je veux rentrer chez moi, on m'attend à la maison, j'ai une famille."
Au mois d'août dernier, il a été séparé de ses compagnons. Chacun a été placé seul dans un tunnel pour servir de bouclier humain aux chefs du Hamas restants. Segev a alors élaboré un plan d'évasion. "Leurs armes étaient à ma portée", dit-il. "J'aurais pu d'un seul bond prendre une Kalachnikov, tuer tout le monde dans le tunnel, personne n'aurait entendu dehors, et m'enfuir. J'avais déjà prévu de le faire, j'avais pris un sac, je l'avais rempli de sable. Je voulais faire une étoile de David et écrire 'prisonnier' ou 'otage', c'était mon plan d'évasion. J'étais vraiment près de le faire, si l'accord ne s'était pas concrétisé il est probable que je l'aurais fait."
La veille de sa libération, une dernière torture psychologique l'attendait. Contrairement aux autres otages, les gardiens n'avaient pas pris le numéro de téléphone de ses parents. "À la sortie, ils n'avaient pas le numéro de téléphone de mes parents pour les appeler. Alors qu'ont-ils pris soin de me dire ? Ils m'ont dit : 'Tu vois, maintenant tous ceux qui ont parlé au téléphone rentrent chez eux, mais toi, parce que tu n'as pas parlé au téléphone, il est possible que tu retournes maintenant dans le tunnel'. J'étais déjà devant la Croix-Rouge. Je n'y croyais pas et finalement, j'ai été libéré."
Segev conclut : "J'ai traversé la pire chose qu'un être humain puisse traverser, j'étais au point le plus bas où un être humain puisse être. La mort était mon meilleur ami, mais maintenant je suis entre de bonnes mains, je reviens à la vie."