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Israël : Itai Ophir nommé procureur général en chef de Tsahal au cœur du scandale de Sdéï Teïman

Choisi par le ministre de la Défense Israël Katz, l’avocat Itai Ophir prendra ses fonctions le 24 novembre, alors que le système juridique militaire traverse une crise sans précédent liée aux violences présumées contre des prisonniers palestiniens.

4 minutes
10 novembre 2025

ParNathalie Sosna Ofir

Israël : Itai Ophir nommé procureur général en chef de Tsahal au cœur du scandale de Sdéï Teïman
Crédit : ministère de la défense

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C’est une nomination à haut risque. Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a annoncé ce jour, lundi, la désignation d’Itai Ophir comme procureur général en chef , avec le grade de général de division. L’annonce intervient en pleine tourmente judiciaire, après la démission fracassante de Yifat Tomer-Yerushalmi, mise en cause pour la diffusion illégale d’une vidéo liée au scandale des mauvais traitements présumés infligés à des terroristes palestiniens sur la base de Sdéï Teïman, dans le sud d’Israël. Katz a justifié son choix par la nécessité de nommer un “regard extérieur”, soulignant que plusieurs hauts responsables de la division juridique militaire étaient eux-mêmes mêlés à l’affaire, dont l’ancien procureur militaire Matan Solomush : « Il fallait quelqu’un d’indépendant, capable de restaurer la confiance ».

La nomination d’Ophir a surpris le milieu juridique : ancien conseiller juridique en chef du ministère de la Défense, il n’a aucune expérience en droit pénal ou militaire. Il devra pourtant gérer les aspects judiciaires les plus sensibles du moment — notamment les suites de l’affaire Sdéï Teïman et les accusations de crimes de guerre soulevées par la Cour pénale internationale.

En attendant sa prise de fonctions, le chef d’état-major Eyal Zamir a nommé le général Dado Bar Kalifa, chef du commandement des ressources humaines, pour assurer l’intérim. Ce dernier a d’ailleurs été confronté à des questions tendues lors d’une conférence de presse houleuse sur la capacité du système juridique militaire à fonctionner sans direction stable.

Le processus de nomination a lui-même suscité des remous. Selon la presse israélienne, Benjamin Netanyahu aurait reproché à Katz de ne pas l’avoir consulté avant l’annonce, tandis que Yair Netanyahou, son fils, a publiquement attaqué Ophir sur les réseaux sociaux, le jugeant « trop modéré ».

Le chef d’état-major Zamir, censé recommander les candidats au poste, n’a publié aucun communiqué dans un premier temps — un silence jugé inhabituel. Il est finalement apparu qu’Ophir figurait bien sur la liste des noms transmis par Zamir, avec lequel il avait travaillé lorsqu’il dirigeait le ministère de la Défense entre 2023 et 2024. Katz, pressé d’officialiser sa décision, aurait court-circuité le protocole.

Parmi les candidats pressentis figuraient plusieurs anciens juristes militaires, dont le général de réderve Doron Ben Barak, ex-censeur en chef de l’armée. Mais Katz a privilégié un profil civil, au risque d’une rupture avec la tradition. Itai Ophir, 49 ans, a servi comme combattant dans la brigade Givati avant de se reconvertir dans le droit. Formé aux États-Unis, il a travaillé dans des cabinets prestigieux – Weil, Gotshal & Manges à New York, puis Tadmor-Levy à Tel-Aviv – avant de rejoindre la fonction publique. Il a été conseiller juridique du ministère de la Défense de 2017 à 2024, et brièvement candidat au poste de procureur général avant la nomination de Gali Baharav-Miara. Proche des milieux politiques, il s’est distingué par sa capacité à négocier des compromis sensibles : sur la conscription des étudiants ultraorthodoxes, les implantations en judée-Samarie ou encore la répartition des compétences entre le ministre de la Défense et le leader du sionisme religieux Bezalel Smotrich, responsable des affaires civiles en Judée-Samarie au sein du ministère.

Pour ses partisans, Ophir incarne un choix pragmatique : « Il connaît intimement les mécanismes du ministère de la Défense et les équilibres politiques. C’est un juriste rigoureux, non idéologue », souligne un proche d’Eyal Zamir. Même Benny Gantz, figure de l’opposition, a salué une nomination « professionnelle et mesurée ».

Mais d’autres s’inquiètent d’une politisation croissante du système judiciaire militaire, à un moment où Tsahal fait face à une double pression : les enquêtes internes sur les abus de Sdéï Teïמן et la menace de poursuites internationales. L’arrivée d’un juriste sans expérience en droit pénal ne risque-t-elle pas d’affaiblir la défense institutionnelle de l’armée ?

La réponse, elle, viendra vite. Ophir entrera en fonctions le 24 novembre, avec pour mission de remettre de l’ordre dans une division minée par la défiance — et d’éteindre un incendie judiciaire qui n’en finit pas de s’étendre

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