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Pour la première fois en deux ans, la Banque d’Israël s’apprête à baisser son taux d’intérêt — ça changera quoi et pour qui ?

Après près de deux ans de statu quo monétaire, la Banque d’Israël devrait abaisser dès lundi son taux directeur. Une décision rendue possible par le ralentissement de l’inflation, la vigueur du shekel et l’accalmie relative à Gaza — et dont l’impact se fera sentir différemment chez les emprunteurs et les épargnants.

4 minutes
23 novembre 2025

ParNathalie Sosna Ofir

Pour la première fois en deux ans, la Banque d’Israël s’apprête à baisser son taux d’intérêt — ça changera quoi et pour qui ?
Banque d'Israël : baissera ou baissera pas ?; crédit : Flash90

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Selon toutes les estimations du marché, la Banque d’Israël devrait abaisser demain, lundi, son taux d’intérêt pour la première fois depuis janvier 2024. Les analystes prévoient une baisse modérée d’un quart de point, de 4,5 % à 4,25 %. Si elle se confirme, cette décision marquera un tournant après une longue période durant laquelle les taux sont restés exceptionnellement élevés pour contenir l’inflation. La confiance des acteurs financiers s’explique par la chute de l’inflation, passée en quelques mois de 4 % à 2,5 %, soit au cœur de la cible de la Banque d’Israël -1 % à 3 %. S’ajoutent à cela un renforcement marqué du shekel et une diminution sensible de l’intensité des combats à Gaza.

La baisse du taux directeur ne touchera pas tout le monde de la même manière. Les emprunteurs disposant d’un prêt immobilier ou d’un crédit à taux variable indexé sur le Prime verront leur mensualité diminuer — mais l’effet immédiat restera limité. Selon une simulation de l’Association des conseillers en crédit immobilier, pour un prêt moyen d’un million de shekels sur 25 ans, dont environ la moitié dépend du Prime, une baisse d’un quart de point réduira la mensualité de seulement 68 shekels. Sur l’ensemble de la durée du prêt, l’économie peut toutefois atteindre environ 20 000 shekels.

Cette réduction ne transformera donc pas fondamentalement la capacité des ménages à rembourser leurs prêts et n’allégera pas vraiment la situation des jeunes couples. À l’inverse, les épargnants verront probablement leurs rendements reculer : les dépôts bancaires, fonds monétaires et obligations devraient être moins rémunérateurs. En général, lorsque les taux reculent, d’autres placements — comme les actions — réagissent positivement.

L’objectif de cette baisse est de soutenir l’économie : relancer les investissements, faciliter l’accès au crédit et stimuler la croissance. L’économie israélienne a d’ailleurs connu un rebond marqué au troisième trimestre 2025, avec un PIB par habitant revenu à son niveau d’avant la guerre. Mais une croissance plus modérée est attendue en 2026, tandis que le marché du travail reste très tendu, ce qui peut créer des pressions salariales et inflationnistes.

Pourquoi la Banque d’Israël a-t-elle attendu aussi longtemps ? Avant de réduire les taux, elle voulait s’assurer que le ralentissement de l’inflation était durable. La forte appréciation du shekel a également joué un rôle, tout comme un contexte sécuritaire un peu plus stable depuis le cessez-le-feu. Cependant, un shekel trop fort peut poser problème : il fragilise les exportateurs et le secteur high-tech. Dans ce cas, la Banque d’Israël pourrait être amenée à réduire les taux plus rapidement. L’institution doit donc trouver un équilibre délicat : éviter un retour de l’inflation, tout en préservant la compétitivité des exportations.

Et maintenant ? La baisse des taux devrait s’effectuer progressivement. La Banque d’Israël pourrait commencer par un quart de point, puis patienter jusqu’à la décision suivante afin d’évaluer les effets sur l’économie. Selon l’analyse de la Banque Hapoalim, le marché anticipe un taux d’environ 3,45 % dans un an, mais la banque estime qu’il se situera plutôt entre 3,5 % et 3,75 % fin 2026. Leader Capital Markets s’attend également à un taux proche de 3,75 %. Le gouverneur de la Banque d’Israël, le professeur Amir Yaron, a d’ailleurs prévenu que les baisses de taux seraient menées avec « la plus grande prudence » dans un contexte d’incertitude persistante.

Qu’est-ce qui pourrait freiner le processus ?
Une escalade sécuritaire majeure pourrait pousser la Banque d’Israël à suspendre les baisses : un choc géopolitique provoque souvent une dépréciation du shekel et une montée de l’incertitude, ce qui incite l’institution à maintenir les taux. À l’inverse, l’absence de budget de l’État pour 2026 pourrait encourager davantage de souplesse monétaire : moins de dépenses publiques signifie moins de soutien économique, et la Banque d’Israël peut compenser en abaissant les taux. En revanche, si le gouvernement augmente fortement ses dépenses, la Banque pourrait choisir d’attendre pour en mesurer les effets.

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