Un nouveau rapport mondial révèle une hausse alarmante de la haine et des discriminations envers les minorités religieuses en Turquie — notamment la communauté juive et les différentes Églises chrétiennes. L’étude, publiée par l’organisation catholique Aid to the Church in Need -ACN- décrit une atmosphère d’hostilité croissante, alimentée par des discours de haine, des attaques contre des lieux de culte et des politiques publiques favorisant ouvertement la majorité sunnite.
Selon le rapport, couvrant la période de janvier 2023 à décembre 2024, la rhétorique antisémite a fortement augmenté dans les médias et l’espace public turcs depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas.
Parmi les incidents recensés : un élu local du parti au pouvoir AKP, dans la province de Samsun, a publiquement fait l’éloge d’Adolf Hitler, une manifestation devant l’hôpital juif Or-Achim à Istanbul, où des protestataires en blouses blanches tachées d’empreintes rouges ont insinué que l’établissement était complice de “crimes de sang”, un quotidien pro-gouvernemental a appelé à retirer la citoyenneté turque aux personnes juives servant dans l’armée israélienne. et dans un lycée, des élèves ont exécuté un salut nazi en direction d’une équipe sportive juive lors d’un match. Le rapport conclut que ces épisodes ne sont pas isolés mais s’inscrivent dans une tendance générale nourrie par un climat politique nationaliste et religieux marqué.
Les communautés chrétiennes - catholiques, orthodoxes, protestantes - ne sont pas épargnées : transformation en mai 2024 de la basilique du Saint-Sauveur de Chora, datant du IVe siècle, en mosquée — une décision rappelant la reconversion controversée de Sainte-Sophie en 2020, cimetière grec-orthodoxe à Istanbul vandalisé en août 2024, fermeture temporaire de la seule église active de la province de Bursa, sous prétexte de risques sismiques — une justification contestée par ses responsables religieux et expulsion de missionnaires protestants pour des motifs de “sécurité nationale”. Les communautés chrétiennes dénoncent une pression administrative constante, ainsi que des obstacles juridiques qui entravent le fonctionnement de leurs institutions.
Alévis et yézidis en ligne de mire
Le rapport relève sept attaques contre des lieux de culte et personnalités alévies en 2023 seulement, profanations et agressions physiques.Les familles yézidies du sud-est de la Turquie rapportent quant à elles des campagnes continues de harcèlement et de dégradations visant leurs terres dans le cadre de litiges fonciers.
Une discrimination systémique sous l’ère Erdogan
L’étude constate une “consolidation du conservatisme islamique” dans les institutions publiques depuis plusieurs années. Sous la présidence de Recep Tayyip Erdogan, la Turquie est classée parmi les 38 pays où la discrimination religieuse est considérée comme systémique, au deuxième niveau de gravité. Dans l’éducation, une réforme marquante a vu l’introduction du programme ÇEDES, qui place imams et prédicateurs comme “conseillers spirituels” dans les écoles publiques, tandis que les cours d’islam sunnite ont été renforcés. Le ministère de l’Éducation a même interdit les célébrations de Noël et de Pâques dans certains établissements privés, au nom d’un prétendu conflit avec les “valeurs nationales”. Sur le plan juridique, l’État turc reconnaît officiellement seulement trois minorités non musulmanes — Arméniens, Grecs et Juifs — conformément au traité de Lausanne de 1923. Les protestants, les Assyro-Chaldéens et d’autres groupes restent privés d’un statut légal officiel et peinent à faire valoir leurs droits collectifs.
Dans ses conclusions, ACN estime que la Turquie présente un environnement hostile à la liberté de culte et appelle Ankara à renforcer les garanties constitutionnelles et la sécurité des communautés religieuses, dans un pays où la diversité historique laisse désormais place à une inquiétude profonde.