Israël s’apprête sans doute à vivre simultanément deux mouvements d’ampleur opposée : une forte vague d’Aliyah (immigration juive vers Israël) et, en parallèle, une vague significative de yerida (départ durable d’Israéliens vers l’étranger). Le phénomène n’est pas nouveau, mais sa concomitance et son ampleur potentielle interrogent. Selon les analyses du sociologue Dov Maimon, relayées par les travaux du JPPI, il ne s’agit ni des mêmes profils, ni des mêmes motivations – et donc pas des mêmes réponses politiques.
Les raisons du départ d’une partie des Israéliens sont aujourd’hui bien identifiées. Le coût de la vie élevé, la menace sécuritaire permanente et l’usure psychologique qu’elle engendre, le sentiment d’une instabilité politique croissante et d’un affaiblissement de l’État, mais aussi des opportunités professionnelles plus attractives à l’étranger expliquent une part importante de la yerida. À cela s’ajoute un facteur structurel : le surnombre de diplômés, notamment de doctorants, sans débouchés réels sur le marché israélien. Dans cette logique, ceux qui partent privilégient des trajectoires individuelles et s’inscrivent souvent dans une installation durable hors d’Israël.
Les enquêtes du JPPI montrent que le profil des Israéliens ayant, dans leur entourage proche, des personnes qui quittent le pays est relativement précis : majoritairement laïcs, politiquement à gauche et concentrés dans la région de Tel-Aviv. Ce constat n’est pas un jugement de valeur, mais un indicateur sociologique d’une fracture idéologique et culturelle au sein de la société israélienne.
À l’inverse, les profils de l’Aliyah diffèrent profondément. Les nouveaux immigrants ne viennent pas d’abord pour des raisons économiques ou professionnelles. Leur démarche est avant tout identitaire et collective : rejoindre ou retrouver pleinement le peuple juif sur sa terre. Les données disponibles indiquent que cette population est, en moyenne, plus religieuse et davantage située à droite de l’échiquier politique. Elle se perçoit comme porteuse d’une histoire, d’un destin commun et d’une responsabilité collective.
Les conséquences démographiques et culturelles de la yerida sont également documentées. Parmi les enfants de yordim, le taux de mariages mixtes dépasse 80 %, un phénomène stable dans le temps et révélateur d’un lien souvent distendu avec le judaïsme. Plus largement, selon le démographe Sergio DellaPergola, environ 50 % des personnes ayant quitté Israël en 2024 ne sont pas juives selon la Halakha. Pour Dov Maimon, cela traduit moins un individualisme assumé qu’une perte de confiance dans le fonctionnement démocratique israélien et un déplacement des priorités personnelles — un choix qu’il qualifie de respectable.
Certains leviers restent communs aux deux dynamiques. La baisse du coût de la vie, l’amélioration de la gouvernance et un apaisement du climat politique pourraient à la fois réduire la yerida et renforcer l’Aliyah. Mais l’analyse dominante est claire : Israël ne fait pas face à un seul mouvement migratoire, mais à deux trajectoires distinctes, interconnectées, qui dessinent deux rapports très différents à l’État, à l’identité et à l’avenir du pays.
POUR VOUS INSCRIRE A LA NEWSLETTER CLIQUEZ ICI : https://israj.media-j.com/newsletter
POUR RECEVOIR NOS INFORMATIONS EN DIRECT SUR WHATSAPP CLIQUEZ ICI http://tiny.cc/IsrajInfoIsrael