Société

« Mon fils dort avec ses chaussures » : le traumatisme des enfants israéliens après deux ans de guerre

Depuis les massacres du 7 octobre, la guerre à Gaza et les missiles iraniens de l’opération Réveil du Lion, les enfants israéliens grandissent dans un climat de menace permanente. Leurs symptômes de stress post-traumatique explosent.

3 minutes
4 juillet 2025

ParDelphine Miller

« Mon fils dort avec ses chaussures » : le traumatisme des enfants israéliens après deux ans de guerre
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Des cauchemars récurrents, une peur de sortir seul, des crises d’angoisse au moindre bruit : ces derniers mois, les services de santé mentale en Israël font face à une hausse spectaculaire des cas de trouble de stress post-traumatique (TSPT) chez les enfants. Le phénomène a commencé après le 7 octobre 2023, s’est intensifié avec les combats à Gaza, et a été ravivé par les missiles de l’Iran pendant l’opération Réveil du Lion en juin 2025.

« Mon fils de six ans dort avec ses chaussures. Il dit qu’il veut pouvoir courir vite s’il y a une alerte. Ce n’est pas une enfance normale », confie Yaël, mère de trois enfants à Herzliya.

Une étude clinique publiée en avril 2025 dans le Journal of Child and Adolescent Trauma a confirmé l’ampleur du traumatisme :

  • 69 % des enfants de 3 à 7 ans ayant vécu les événements d’octobre présentent un TSPT probable,

  • 49 % des enfants de 8 à 12 ans également,

  • et 32 % de leurs mères souffrent elles aussi de symptômes comparables.

Les spécialistes insistent : les enfants très jeunes sont directement influencés par l’état psychologique des parents, tandis que les plus grands développent des troubles en lien avec l’exposition directe à la guerre.

Cette fragilité s’est à nouveau aggravée pendant l’opération Réveil du Lion, du 13 au 24 juin 2025, lorsque l’Iran a lancé plus de 550 missiles et 1 000 drones vers Israël. Le ministère israélien de la Santé, dans une alerte publiée le 26 juin, a signalé une montée importante des symptômes chez les enfants : cauchemars, refus d’aller à l’école, agressivité, crises de panique.

« Nous ne sommes plus face à des cas isolés. C’est une génération entière d’enfants qui grandit dans un état de vigilance constante », souligne le Dr Michal Shaked, psychologue clinicienne à l’hôpital Schneider.

L’organisation NATAL, spécialisée dans le traitement des traumatismes liés au terrorisme et à la guerre, indique que les demandes de soutien psychologique pédiatrique ont doublé depuis la mi-juin. Des équipes mobiles ont été envoyées dans les écoles de Tel Aviv, Haïfa, Netanya, Kfar Saba et Ashdod, mais les délais d’attente s’allongent.

Dans certaines écoles, les enseignants signalent des élèves qui refusent de se séparer de leurs parents, ou qui dessinent des scènes de guerre en boucle. Le ministère de la Santé prévoit d’étendre les dépistages systématiques dans les établissements scolaires des régions les plus exposées.

Face à cette réalité, de nombreux experts appellent à un plan d’urgence national, avec renforcement du personnel psychologique scolaire, formation des éducateurs, et accompagnement des familles.

« On ne peut pas demander à des enfants de grandir normalement dans un pays qui vit en état d’alerte constant sans leur offrir les outils pour se reconstruire », conclut la pédopsychiatre Yael Wexler, du centre ICTP à Jérusalem.