Cette situation est liée au bras de fer entre le ministre de la Justice, Yarvi Levin, et les juges de la Cour suprême mais aussi le barreau d'Israël qui refusent de voir changer la méthode de nomination du président de la Cour.
Selon une règle non écrite, la désignation du président de la Cour suprême se fait suivant la règle de l’ancienneté. Lorsque le président en exercice part à la retraite à l’âge de 70 ans, c’est le juge qui possède le plus d’ancienneté qui prend sa place.
Ainsi, le juge Itshak Amit aurait dû remplacer Esther Hayot à son départ à la retraite, il y a près d'un an.
Mais le ministre a refusé de convoquer la commission de nomination des juges qui devait entériner de manière formelle cette désignation, puisqu'en plein débats autour de la réforme judiciaire, Levin espérait pouvoir changer la méthode de nomination des juges afin qu'elle soit plus équilibrée. Levin souhait un équilibre entre les forces politiques en présence en retirant le droit de veto des juges au sein de la commission.
Depuis près d'un an donc, la commission n'a pas été convoquée, surtout qu'entre temps la guerre a éclaté.
A cela s'ajoute que fin août 2023, le juge Yossef Elron a annoncé à Hayot et à Levin, qu’il se présentait au poste de président de la Cour suprême. C’est la première fois depuis la création de l’Etat qu’un tel scénario se produit puisque jusqu'alors la règle de l'ancienneté était acceptée comme allant de soi. Cette candidature rebattait les cartes.
Le juge Elron a été nommé juge à la Cour suprême en 2017. Il était le candidat de la ministre de la Justice de l’époque, Ayelet Shaked. L’ancien président de la Cour suprême, le juge Aharon Barak, avait critiqué cette nomination en avançant des arguments qui résonnent encore plus fort aujourd’hui: ”Il faut comprendre que la Cour suprême est une famille, même s’il peut y avoir des opinions différentes. Pour le bien de l’Etat, il faut un tribunal cohérent, au sein duquel les rapports sont comme dans une famille, avec les différences d’opinion. On ne peut pas faire entrer dans le système une personne qui n’appartient pas à la famille”. Etait-ce parce qu’Elron est d’origine irakienne?
Le juge Elron dérange donc, parce qu’il ne fait pas partie de la ”clique” qui siège habituellement à la Cour suprême et sa candidature à la présidence jette un pavé dans la mare.
Le juge Fogelman part à la retraite au mois d'octobre prochain et il faut donc parvenir à trouver un arrangement pour qu'un président soit définitivement nommé à la tête de la Cour suprême.
Le ministre de la Justice Levin a proposé un compromis dans une lettre envoyée au président par intérim de la Cour suprême. Il s'articule autour de trois axes:
- Le juge Elron sera nommé président de la Cour suprême pendant un an jusqu'à son départ à la retraite puisqu'il aura 70 ans en 2025
- Le juge Amit prendra ensuite la présidence pendant trois ans jusqu'en 2028, date à laquelle il aura 70 ans
- Concernant la nomination des trois nouveaux juges à la Cour suprême, le ministre Levin propose que les juges proposent deux candidats et que la commission en choisisse un, de même un candidat proposé par la coalition sera choisi parmi deux options. Pour le troisième juge, il sera nommé d'un commun accord par le ministre de la Justice et les juges.
Ce compromis a été considéré comme ''juste'' par de nombreux observateurs et analystes mais le président par intérim de la Cour, le juge Fogelman, a répondu à Yariv Levin, quelques heures après la réception de la lettre, qu'il rejetait cette proposition.
Aux yeux de Fogelman, ce compromis constitue une politisation de la nomination des juges, ce que prévient la méthode de l'ancienneté. Il ajoute que la proposition de nommer deux présidents en parallèle est problématique d'un point de vue juridique et qu'elle crée une situation d'inégalité entre les membres de la commission de nomination des juges.
Le bâtonnier du barreau d'Israël, Amit Bahar, s'est lui aussi opposé à ce compromis: ''Hélas, la proposition du ministre de la Justice, Yariv Levin, n'est pas un compromis mais la poursuite de la tentative de changement de régime et d'un changement unilatéral du mode de nomination des juges''.
L'entourage du ministre de la Justice a critiqué le refus du système judicaire du compromis proposé par le ministre: ''Ce qui dérange le président par intérim Fogelman de diversifier la composition de la Cour suprême et de garantir qu'il y ait une représentation de différentes visions du monde. Leur opposition à tout compromis ne fait que prouver à quel point ces revendications de diversification sont justifiées''.