Israël

Affaire Haim Rotter : enquêteurs et rabbins brisent le silence et appellent les victimes à témoigner

Figure centrale de Bnei Brak, Rotter fait face à des accusations d'agressions sexuelles

4 minutes
13 juillet 2025

ParJohanna Afriat

Affaire Haim Rotter : enquêteurs et rabbins brisent le silence et appellent les victimes à témoigner
Haim Rotter Photo by Avshalom Sassoni/Flash90

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L'un des enquêteurs chargés de l'affaire Haim Rotter accusé d'agressions sexuelles a publié ce dimanche un message inhabituel sur les réseaux sociaux, brisant le protocole habituel de discrétion policière. Dans ce témoignage personnel, il décrit l'atmosphère pesante qui règne dans les salles d'interrogatoire et lance un appel pressant aux victimes et témoins.

"Après un shabbat si calme, j'ai l'esprit libre. Depuis des semaines, mes pensées sont plongées dans une profonde et douloureuse préoccupation", écrit-il. "C'est un sujet qui nous brise le cœur. Et nous retournons chaque pierre pour tenter de briser le mur du silence qui l'entoure."

Le policier décrit la peur palpable qu'il observe chez les témoins potentiels : "Je vois la peur dans les yeux des gens, la peur de parler, la peur de la vengeance." Il révèle également l'impact personnel de cette enquête sur son travail : "Mes nuits sont blanches, je travaille sans relâche, car je crois de tout mon cœur que la vérité et la justice doivent être atteintes."

Un scandale qui ébranle la communauté orthodoxe

L'affaire Haim Rotter secoue la communauté orthodoxe depuis l'arrestation la semaine dernière du président de l'organisation "Bnei Brak Watchmen", à son retour de Pologne. Figure centrale de la ville haredi, Rotter fait face à des accusations d'agressions sexuelles graves impliquant des femmes, des mineurs et des adultes.

Le tribunal de Tel-Aviv a prolongé sa détention après le dépôt de 11 nouvelles plaintes, dont quatre émanant de mineurs. Il est soupçonné d'actes indécents et d'exploitation d'une relation de domination qui aurait duré des décennies. L'enquête laisse entrevoir des dizaines d'autres cas potentiels.

L'affaire s'est également étendue à l'entourage du suspect : quatre de ses associés ont été arrêtés, soupçonnés d'avoir menacé des plaignants. Rotter fait également l'objet d'accusations d'entrave à la procédure et d'extorsion par menaces.

Des autorités religieuses prennent position

Face à cette crise, plusieurs figures religieuses ont pris des positions sans ambiguité, brisant l'omerta traditionnelle. Le rabbin Zvi Braverman, président du Av Beit Din de Betar Illit, a accordé une interview ouverte au magazine haredi "Mishpacha", critiquant frontalement la manière dont la société ultra-orthodoxe traite les cas d'agression sexuelle.

"La miséricorde envers l'offenseur est une cruauté envers les victimes", a-t-il déclaré, pointant du doigt les "dirigeants locaux à qui on raconte les histoires, et qui au lieu d'agir avec toute la sévérité de la loi, ferment les yeux et restent silencieux."

Le rabbin Braverman a également évoqué les rabbins qui "blanchissent" les accusés, les juges qui "nient" et le "double langage qui jette le doute sur les témoins". Dans un geste d'autocritique rare, il a admis qu'il était peut-être lui aussi coupable de ne pas avoir fait assez.

Le rabbin Shmuel Eliyahu, président du tribunal pour agressions sexuelles et rabbin de Safed, a publié vendredi une lettre de soutien aux victimes. Il a appelé les victimes à porter plainte auprès de la police, précisant qu'il s'agissait d'une obligation halakhique : "Elles n'ont commis aucun péché. C'est une mitsva d'enrayer ce fléau."

Se disant choqué par les témoignages présentés devant le tribunal, le rabbin Eliyahu a précisé que la Torah considère de tels actes comme des "effusions de sang" et qu'il n'y a "aucun péché ou impureté chez les victimes elles-mêmes." Pour les victimes qui craignent de déposer une plainte officielle, il a proposé une solution alternative en les invitant à contacter le tribunal spécial qu'il préside, promettant une assistance halakhique, psychologique et communautaire.

Un tournant dans la lutte contre l'omerta

Cette affaire marque un tournant dans la manière dont la communauté ultra-orthodoxe aborde les questions d'agressions sexuelles. L'appel public de l'enquêteur, combiné aux prises de position courageuses d'autorités religieuses, suggère une volonté de briser le silence qui a longtemps protégé les prédateurs.

"Si vous connaissez quelqu'un qui lutte contre ce silence, qui possède une petite information susceptible d'éclairer l'enquête, rappelez-vous que ce silence ne fait qu'entretenir la douleur", a conclu l'enquêteur dans son message. "Chaque détail, même le plus infime, peut être crucial. N'ayez pas peur de parler, votre voix est un rayon de lumière dans l'obscurité."