Sécurité

Peut-on faire confiance au régime de Damas ?

La crise druze met les relations embryonnaires à l’épreuve

3 minutes
17 juillet 2025

ParNathalie Sosna Ofir

Peut-on faire confiance au régime de Damas ?
Des Druzes israéliens manifestent près de la barrière frontalière israélo-syrienne, en solidarité avec leur frères en Syrie, le 16 juillet 2025, crédit : : Michael Giladi / Flash90

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Alors que la communauté druze est prise pour cible, Israël se retrouve face à un dilemme stratégique majeur : est-il possible de nouer une coopération sécuritaire avec Damas comme le souhaite ardemment le président américain Donald Trump tout en défendant les minorités menacées ? Se pose don bien sûr la question de confiance envers le président syrien Ahmad al-Sharaa.

Depuis la chute définitive du régime Assad, une nouvelle réalité politique s’est installée en Syrie. À sa tête, celui que l'on connait sous son nom de guerre, Abu Mohammed al-Julani – ancien chef du Front al-Nosra, aujourd’hui présenté comme un dirigeant pragmatique, désireux de normalisation et d’ouverture vers l’Occident. Julani cherche à s’imposer comme un interlocuteur légitime, capable de stabiliser une Syrie fragmentée, tout en obtenant un soutien économique des puissances du Golfe et des États-Unis.

Pour Israël, cette évolution a un intérêt évident : la possibilité d’un partenariat sécuritaire.. Des canaux de dialogue informels ont été explorés, et des scénarios de coopération contre les milices chiites ont même été évoqués.

Mais sur le terrain la réalité est plus complexe. Des attaques brutales de l’armée syrienne contre des localités druzes à Soueïda et dans le Djebel Druze viennent percuter de plein fouet cette dynamique. Car ces opérations, menées avec des blindés et des unités mécanisées, n’ont pu être ordonnées sans l’aval du haut commandement syrien – voire de Julani lui-même.

Dès lors, la confiance vacille. Est-ce une stratégie de contrôle territorial assumée ? Ou bien la manifestation d’un pouvoir éclaté, où certains généraux agissent de leur propre chef ? Dans les deux cas, Israël se heurte à une ambiguïté qui mine toute perspective d’alliance : soit Julani ne maîtrise pas son armée, soit il tolère, voire orchestre, des exactions contre des minorités vulnérables.

Le passé jihadiste de Julani continue de peser lourd. S’il s’emploie à soigner son image de leader modéré, son entourage reste, pour partie, composé d’ex-membres de groupes salafistes. La haine idéologique envers les Druzes, les alaouites ou les chiites est profondément ancrée chez certains de ses commandants. Et même si Julani proclame aujourd’hui vouloir punir les auteurs d’attaques contre les civils, ses actes peinent à suivre ses paroles.

L’État hébreu n’a aucunement l'intention de s’engager militairement en Syrie. Mais il ne peut non plus ignorer ce qui se passe à sa frontière. La minorité druze, qui ne se réclame pas d’Israël mais dont une partie de la communauté vit en Israël et sert dans Tsahal, est aujourd’hui en danger. Et le risque d’un massacre n’est pas écarté.

Dès lors, Israël se retrouve pris entre deux impératifs : défendre une population menacée – au nom d’un lien historique et moral – ou préserver une ouverture stratégique avec Damas, pourtant essentielle dans la lutte contre l’axe irano-hezbollah.

Alors peut-on faire confiance au régime de Julani ? La réponse, pour l’heure, est extrêmement prudente. Tant que Damas ne démontre pas une capacité réelle à contrôler ses forces, à protéger les minorités et à instaurer une forme de stabilité inclusive, toute coopération durable restera périlleuse.

Dans un Proche-Orient toujours hanté par les erreurs du passé, la tentation de l’opportunisme sécuritaire ne peut se substituer à une véritable évaluation des risques. Et la crise druze rappelle cruellement qu’un pouvoir qui n’assume pas ses actes – ou les dissimule – n’est pas un partenaire fiable. Ni pour Israël. Ni pour ses voisins. Ni pour son propre peuple.A suivre donc...