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Maquis, quelque part en Corse
La montée est rude. Une pente abrupte, un sentier à peine discernable sous un maquis si épais qu’un ghjattu-volpe (chat sauvage) lui-même n’y trouverait pas un passage. Moïse avance à l’aveugle, les bras levés devant son visage pour écarter les branches griffues, les ronces voraces. Chaque pas est une lutte, une résistance contre cette végétation hostile qui semble vouloir l’éloigner de Yaël.
Sous ses pieds, un tapis de feuilles humides. Il glisse, se rattrape d’une main à une racine noueuse, sent sous ses doigts la rugosité de l’écorce, l’odeur acide des feuilles broyées. Le kibbutznik progresse, chaque pas déclenchant une explosion de senteurs qui l'enveloppent, l'assaillant, le possèdent. L'air est dense de résines et de sèves, saturées du parfum poivré du lentisque, qui s'accroche à sa peau et imprègne ses vêtements. Le pin laricio, noir et massif, libère par vagues son essence âcre et collante, des effluves invisibles qui lui emplissent la gorge et le contraignent à plisser les yeux.
La chaleur, encore vive malgré le déclin du jour, force l'Immortelle à exhaler ses derniers souffles parfumés. Sous ses doigts, le ciste déchire sa chair en même temps qu'il laisse sur sa paume une trace collante et son odeur profonde, mélange de myrte et d’Arba Barona (thym sauvage).
Par instants, une note plus légère surgit, presque fugace : une bouffée de lavande qui adoucit l'air, ou un éclat d'anis, peut-être soufflé par un fenouil oublié dans les pierres. Mais très vite, le maquis reprend ses droits, imposant sa morsure acide, sa verdure piquante, qui semble gifler les narines. Une odeur plus sourde, plus épaisse, monte du sol : celle du maquis profond, ce mélange de racines arrachées, de pierre chauffée à blanc et de bêtes invisibles tapies dans l'infiniment petit.
Il avance, et cette étreinte olfactive se resserre sur lui. Sous ses pas, la terre s'effrite en poussière et les feuilles mortes dégagent un soupçon de bois fermenté et de champignon caché sous la mousse. Un tapis de feuilles humides, il glisse, se rattrape d’une main à une racine noueuse, sent sous ses doigts la rugosité de l’écorce, l’odeur acide des feuilles broyées.
Il a l’habitude des longues marches et de l’activité physique, pourtant son souffle est contraint. La sueur coule entre ses omoplates, malgré la fraîcheur des hauteurs. Son cœur cogne contre sa cage thoracique, non seulement à cause de l’effort, mais aussi sous une autre oppression, plus profonde, plus insidieuse. Yaël.
Il continue, il lutte, il grimpe. Il lutte. Il grimpe. Il lutte. Au détour d’un châtaignier solitaire, une trouée. Une clairière, vaste et inattendue, surgit comme un miracle dans cette prison végétale. L’herbe y est grasse, d’un vert presque irréel sous la lumière oblique.
Et là, posée au creux du silence, une bâtisse. Une bergerie. Pas un de ces abris sommaires, faits de pierres sèches empilées, pas ces refuges d’un autre temps. Non. C’est une maison, un véritable chalet de montagne, en pierre de lauze et en bois sombre, un linteau sculpté au-dessus de la porte. Une cheminée fume doucement, signe d’une présence. L’odeur du bois brûlé flotte dans l’air. Une cheminée avec cette chaleur ? Moïse s’arrête net. Son corps est en alerte, son esprit aussi. Son souffle se suspend. Son ventre se contracte d’un coup. Qui vit là ? Qui pourrait s’être réfugié dans cette solitude parfaite ? Il croit savoir. Devant cette simple porte de bois patiné, il tremble. Un craquement derrière lui. Il ne veut pas se retourner. Une voix. Presque un murmure. « Moïse… »
Yaël. Elle est là.
Il sent sa présence avant même de la voir. Il n’ose pas bouger, figé entre la peur et le désir, entre le passé et le présent. Il ferme les yeux, mais cela ne change rien : son nom continue de résonner. Son souffle est devenu un bruit trop fort dans le silence épais de la clairière. Il sent chaque battement de son cœur dans sa gorge, un tambour sourd et implacable.
Vingt-sept ans d’un long cauchemar qui prend fin. Vingt-sept ans. Il a vu Yaël mourir sous ses yeux, son sang imbiber le dortoir des enfants du kibboutz, son dernier regard accroché au sien dans une imploration muette. Vingt-sept ans qu'il porte ce deuil comme une seconde peau, chaque nuit peuplée de fièvre et de cris. Vingt-sept ans, c’est long. Et pourtant, elle est là. Il ouvre les yeux, lentement, puis se retourne. Elle n'a pas changé. Ou peut-être que si. Le temps a sculpté son visage, effacé les rondeurs de l'adolescence, aiguisé les traits jusqu'à leur donner une netteté coupante. Mais c'est bien elle. Ce regard brûlant, cette posture de défi. La cicatrice fine sous son sourcil droit, vestige d'une chute lors d’une course effrénée à travers les vergers du kibboutz. Une vie d’avant. Une vie qu'il croyait enterrée.
« Tu n’as pas changé », murmure-t-elle, un sourire imperceptible au coin des lèvres.
Moïse rit. Un rire sans joie, presque un aboiement. « Toi si. »
Un silence. Elle soutient son regard, impassible. Lui, vacille sous le poids de l’incompréhension, de la rage qui monte en lui comme une vague prête à le renverser. « Tu étais morte, Yaël. Je t’ai vue mourir. »
Elle ne cille pas. « Je sais. »
Moïse sent son poing se refermer, ses ongles s’enfoncer dans sa paume. Il voudrait crier, la secouer, l’accuser. Mais il ne trouve pas les mots. Il ne trouve que ce gouffre béant en lui, cette absence qui, soudain, n’a plus lieu d’être.
« Pourquoi ? » finit-il par lâcher, la voix rauque. « Pourquoi ne pas être revenue ? »
Elle détourne les yeux, juste une fraction de seconde, mais c’est suffisant.
« Chacun fait son deuil comme il peut. Mes parents … Et après la mission. C’est la mission qui m’a portée, comme Primo Levi, la mission. »
Il fronce les sourcils. Les souvenirs affluent, confus, entremêlés. L’attaque. Le chaos. Le sang. Le corps inerte de Yaël emporté sous ses yeux, alors que lui-même était cloué au sol, incapable de bouger, de crier. « Le Mossad » lâche-t-il, presque dans un souffle.
Elle acquiesce, imperceptiblement. « Ils m'ont donné un but. »
« Un but ? » rugit-il, incapable de contenir sa colère plus longtemps. « Et moi ? Et nous ? »
La voix de Yaël est froide, tranchante. « Il n’y avait plus de "nous", Moïse, il n’y avait plus de moi. Je suis vraiment morte cette nuit-là. Le Hezbollah a eu tout emporté. »
Le Hezbollah ? Evidemment, les marionnettes de l’Iran au sud-Liban, qui d’autre ?
Le silence retombe, lourd. Elle lui fait signe d’entrer dans la maison.
Yaël fixe Moïse, visiblement troublée mais aussi contrariée. « Ils sont sérieux ? Ils t'ont envoyé ? Toi ? »
L'incrédulité perce dans sa voix. Elle jette un regard furtif par la fenêtre. Son regard revient sur lui, un mélange de fascination, d’étonnement et d'exaspération.
Il se retourne, comprend trop tard. Des ombres mouvantes entourent la maison.
« Les hommes de Bahram Al-Nassiri » lâche Yaël.
Moïse se rapproche de la fenêtre. Yaël, plus rapide, l'attrape par le col et le plaque violemment contre le mur. « Ici, c'est Kol Bo ou Kacha Kacha. Si tu improvises, tu meurs. »
Elle se tait un instant, le fixe avec une intensité troublante, comme si elle tentait de comprendre pourquoi l’Institut l’a envoyé, lui, un homme sans expérience.
Elle se parle à elle-même : « Ils ne savent pas à Tel-Aviv… la maison… le bunker… pourquoi ils ne savent pas ? Ephraïm … »
Elle semble trouver une réponse à sa question. « Il faut s’éloigner du bunker » dit-elle à voix haute.
Au moment où des militaires forcent la porte de la bergerie, Yaël et Moïse sont partis. Ils avancent au pas de course dans le maquis. Ils arrivent à un amas de branchages. Yaël s’active, elle découvre un engin dissimulé sous les branches, un quad. Alors qu'ils s'apprêtent à s'échapper, des militaires surgissent. Yaël sauve une nouvelle fois Moïse en le plaquant au sol. Les militaires inspectent l’espace autour du quad. Un bruit sec déchire le silence. Moïse s’est appuyé sur une branche.
« Amateur ! » siffle Yaël, avant de le tirer par la main.
Le maquis résonne d'un cri guttural, un ordre lancé en arabe avec un accent corse. En une fraction de seconde, la traque bascule en combat. Un premier homme surgit, kalachnikov en bandoulière. Yaël ne réfléchit pas. Elle pivote, bras tendus, frappe sa gorge d'un coup sec. Il émet un gargouillement rauque et s'effondre sur ses genoux. Derrière elle, un deuxième adversaire se jette sur elle, couteau levé.
« Un couteau ? C’est un film de Kung fu ? » lâche Moïse, comme si ce détail avait la moindre importance. Il regarde Yaël. Cette vision lui donne vraiment l’impression d’être dans un film. Elle esquive d'un pas latéral, dévie la lame d'un revers du poignet et répond d'un coup de genou au plexus. L’homme chancelle, suffoque, mais se reprend vite.
Moïse voit arriver un colosse, plus grand que lui de deux bonnes tailles. Pas le temps de réfléchir, ce n’est plus un film. Le militaire fonce, poing levé. Moïse tente une esquisse, trop lente. L'impact l'envoie rouler dans la poussière, la mâchoire en feu. Il crache du sang, essaie de se redresser, mais l'autre est déjà sur lui. Un coup de pied lui coupe le souffle. Il roule sur le dos, haletant, sonné.
Au-dessus de lui, le géant sort un poignard, le brandit. Moïse, désespéré, attrape une pierre au sol et la projette en plein visage de son assaillant. Pas assez fort. L'homme grogne, vacille un instant. Moïse en profite, bondit sur lui, tentant de lui arracher l'arme. Ils luttent, s'écrasent dans la terre.
Non loin, Yaël continue son ballet. Son adversaire tente de la frapper au ventre, elle bloque, attrape son poignet et pivote sur elle-même, transformant sa prise en une clé de bras brutale. L'homme hurle. Elle accentue la torsion et le projette au sol. D'un mouvement fluide, elle le met ko d'un coup sec à la tempe.
Un autre surgit, plus rapide que les autres. Elle n'a pas le temps d'esquiver totalement. Son poing s'écrase contre la pommette de Yaël, une douleur. Elle titube un instant, secoue la tête pour reprendre ses esprits. Mais déjà, il revient à la charge.
Moïse, toujours en lutte avec son propre adversaire, aperçoit du coin de l'œil Yaël en difficulté. Il n'a jamais été un combattant. Mais quelque chose en lui se réveille. Il se redresse en titubant et, sans réfléchir, se jette sur l'homme qui menace Yaël.
L'impact est maladroit mais suffisant pour déséquilibrer l'assaillant. Il tombe en avant. Yaël en profite aussitôt. Elle agrippe son crâne entre ses cuisses et, d'une torsion sèche, l'étrangle. Il s'effondre, plus mort que vif.
Moïse n'a pas le temps de souffler. Le colosse revient à la charge. Il se jette sur Moïse, l'écrase au sol et serre sa gorge entre ses mains puissantes. L'air lui manque. Son crâne bourdonne. Ses doigts agrippent désespérément les poignets d'acier.
« Yaël… » parvient-il à souffler dans un râle.
Elle est sur lui en une fraction de seconde. D'un bond, elle grimpe sur le dos du colosse et frappe violemment ses tempes avec ses coudes. L'homme grogne, tente de l'attraper, mais elle est trop rapide. Elle se laisse glisser derrière lui et, d'un mouvement ramasse le couteau et le plante dans sa carotide. L'effet est immédiat. Le géant titube, suffoque. Son emprise se relâche. Moïse inspire une grande bouffée d'air, tousse, roule sur le côté. Yaël attrape la nuque de l'homme et l'envoie s'écraser au sol dans un choc sourd.
Le silence retombe, à peine troublé par leur respiration saccadée. Moïse se redresse péniblement. Ses jambes tremblent. Yaël le hisse par le bras et le pousse en avant. Les balles sifflent, les branches fouettent leur peau. À bout de souffle, ils se précipitent. Une entrée dissimulée, un tunnel qui débouche sur un bunker. Yaël connaît le code, ils s'y engouffrent.
Le bunker s'étend sous la roche, immense, silencieux, comme une forteresse cachée au creux de la terre. Moïse s'avance lentement, comme un somnambule, scrutant les parois brutes qui absorbent la lumière blafarde des néons suspendus au plafond. L'air, filtré par un système de ventilation discret, a cette odeur métallique propre aux lieux fermés depuis très longtemps.
Face à lui, une vaste table en bois massif occupe le centre de la pièce principale. Des papiers y sont éparpillés : cartes topographiques annotées, plans de tunnels souterrains, rapports militaires, vieilles notes griffonnées en hébreu, en anglais, parfois en russe. Certains documents sont neufs, d'autres récents, imprimés sur un papier encore raide. Il reconnaît des schémas de missiles, des plans de bunkers, des listes de noms dont certains lui sont familiers.
Autour de lui, le bunker se divise en plusieurs espaces. Contre un mur, d'imposantes étagères ploient sous des caisses de provisions : conserves empilées avec soin, bidons d'eau scellés, rations militaires sous vide. Plus loin, un compartiment verrouillé contient des armes, soigneusement alignées : fusils d'assaut, pistolets, munitions disposées par calibre contre une lourde armoire blindée. Sur un pupitre de contrôle en état de marche, plusieurs écrans diffusent des images en temps réel. Des caméras dissimulées à l'extérieur projettent des vues granuleuses d'un paysage désertique. À gauche, une bibliothèque poussiéreuse aligne des ouvrages en hébreu et en français. Des textes religieux, la Torah en plusieurs éditions, des commentaires du Talmud, des manuels de survie, des traités d'histoire militaire. Sur un coin du bureau, un vieux talkie-walkie repose à côté d'une radio à ondes courtes, encore allumée. Moïse s'approche de la table, son regard s'arrête sur une feuille posée à part, en évidence. Son propre nom est écrit en lettres noires. Un frisson lui traverse l'échine. Quelqu'un l'attendait ici. Peut-être l'attend-il encore.
Il feuillette d’autres documents, des relevés bancaires, des transmissions codées. Ses yeux brillent. Il donne l'impression de savoir ce qu'il fait.
Il s'arrête sur un nom : « Jamal Al-Salem… » murmure-t-il.
Yaël fronce les sourcils. « Quoi ? »
Il lui tend le document. « Cette lettre de change est au nom de Jamal Al-Salem »
« Je ne connais pas » répond Yaël en haussant les épaules
« Un banquier qatari qui finance des programmes dans le nucléaire civil en Iran et en Chine. »
« Comment tu sais ? »
Moïse hésite. « J’ai lu quelque chose sur lui » réfléchit Moïse à haute voix.
« Un rapport de l’Institut ? David ? »
« Lo. Un article dans Maariv La’Noar »
Yaël le toise, incrédule : « Un magazine pour ado ? Tu plaisantes ? »
Moïse lui tend le document : « Phönix, sa fondation, offrait des bourses à des jeunes artistes … (il hésite) en Iran. L’article dans le magazine a attiré mon attention. »
Yaël prend le papier, le déchiffre rapidement, et ses traits se figent. Elle connaissait les documents, mais elle n'avait pas fait ce lien.
« Jamal Al-Salem finance Bahram Al-Nassiri… murmure-t-elle. « Comment j'ai pu passer à côté de ça ? »
« Qui a mis ces documents ici ? Toi ? » demande Moïse.
« Ton père. Tout est à lui. La bergerie, les terrains autour du bunker. »
« Mon père ? »
« Mais Moïse, tu vas enfin m’expliquer ? Qu’est-ce que tu fais ici, seul ? »
« Normalement Ephraïm devait me suivre ».
« Où est-il ? »
Moïse répondit d’un signe de tête pour signifier qu’il ne savait pas.
Park Tzameret
L’ascenseur vrombit sans mot dire, ses murs en miroir reflétant les visages figés de deux hommes en noir. Ephraïm, portait toujours la même veste en tweed élimée, vestige d’un autre temps. Ilan, plus jeune, mâchait nerveusement un chewing-gum sans sucre - pour garder l’oreille occupée, disait-il.
« Ata muchan ? » chuchota Ephraïm.
« Tamid. » Toujours prêt. Je ne comprends pas pourquoi cette opération est lancé d’ici et pas de l’Institut ou d’une base de Tsahal ou de Shabak ? Tous les services sont concernés, non ? »
Ephraïm le toise sans répondre, puis, trois étages plus haut lui murmure : « patience jeune ami, il va t’expliquer. »
La porte coulissa lentement. Une ligne de lumière dorée filtrait sous le battant blindé, comme une artère cachée. David ouvrit, l’air impassible, comme s’il les attendait depuis la veille. Il n’y eut pas de shalom, pas de sourire - à l’israélienne, yalla, tachles. Droit au but.
Dès le seuil, ce n’était plus un appartement. C’était une ruche. Une ruche silencieuse. Des hommes et des femmes en chemises sobres, chacun avec une oreillette ou un laptop ouvert sur une interface cryptée. Un colonel de Tsahal pianotait debout dans l’embrasure du salon. Deux agents du Shin Bet passaient des appels codés dans un hébreu syncopé. Un général sans uniforme prenait un café en regardant le ciel de Tel-Aviv s’embraser doucement dans le lointain. L’appartement de David - anonyme, propre, impersonnel - s’était transformé en QG parallèle, un centre de commandement fantôme destiné à prendre le relais, si maté ha-pikoud ha-klali - le commandement général tombait sous une frappe. Ici, à Park Tzameret, l’État profond israélien avait planté une graine d’État de rechange. Et David en était la racine.
Ephraïm et Noah restèrent debout au milieu du salon. Un écran mural diffusait un flux crypté, entre coupures d'images satellites et rapports logistiques. David ne dit rien. Il referma simplement la porte de la cuisine, d’un geste sec.
« Tikshor elay keshe atem magi’im la-mif’al » murmura-t-il dans son téléphone. Appelez-moi quand vous arrivez à l’usine.
Il raccrocha.
Derrière la porte vitrée, trois analystes de ha-mod’in (les renseignements militaires) passaient au crible des lignes de chiffres sur un écran noir. David sortit, ajusta sa montre, puis s’approcha d’Ephraïm et Noah. « Bo’u acharai » dit-il. Venez.
Ils longèrent un couloir étroit. Des plans muraux, des câbles, une odeur de plastique chauffé.
Il s’arrêta devant une porte fermée, la poussa.
« Voilà ta base. Un lit, un bureau très large, une armoire, ligne sécurisée, double réseau. Tu dors quand tu peux. C’est clair ? »
Ilan acquiesça. Ephraïm observa la chambre : « Lo ra, pas mal », dit-il avec un sourire en coin.
David fit comme s’il n’avait pas entendu. Il se tourna vers un quatrième homme, en train d’installer des câbles dans un routeur.
« Boris c’est bon ? »
L’homme se redressa. Trente-cinq ans, sec, concentré. Le genre qui entend tout, même ce qu’on ne dit pas. Il fait oui de la tête puis sort. David tira la porte, puis parla calmement en regardant Ilan.
« Ici, c'est Kol Bo ou Kacha Kacha. Si Israël perd une bataille, une seule bataille, c’est la fin des juifs dans le monde. 3500 ans d’histoire rayés de la carte. »
Ilan écoute.
« Tu vas rester ici jusqu’à la fin de l’opération. Nous sommes un commandement fantôme. Si Téhéran frappe le cerveau principal, nous devenons le cerveau principal. C’est ici que tout basculera si ha-memshala (le gouvernement) et ha-tzava (l’armée) sont décapités. On devient alors l’État. Mamash. »
Ilan opina. Aucun mot superflu.
David ajouta, plus bas : « Tes compétences en explosifs sont le chaînon entre cette opération et la suivante. Ata mevin ? »
« Ken », dit Ilan. « Je comprends. »
« Yalla, maintenant dites-moi ce que je dois savoir, le minimum. » lança David
Ephraïm posa une mallette sur le bureau. Elle cliqueta. À l’intérieur, un bipeur gris, neuf, banal - sauf que ses entrailles racontaient une toute autre histoire.
« Voilà ce dont je t’ai parlé. Zé lo stam beeper, dit-il. Ce n’est pas un simple bipeur. Celui-là, il écoute... et quand on lui demande, il explose. Ça commence quand ? »
David leva les yeux. « Ze kvar itchil. C’est déjà commencé. »
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