Des images d'enfants gazaouis présentés comme victimes de malnutrition ont fait le tour du monde ces dernières semaines, influençant l'opinion publique internationale et poussant Israël à modifier sa stratégie humanitaire. Une enquête journalistique révèle cependant que certains de ces cas médiatisés souffrent en réalité de pathologies médicales non liées à la faim.
Le cas Muhammad al-Ma'touk : paralysie cérébrale ou malnutrition ?
L'image qui a marqué les esprits est celle de Muhammad al-Ma'touk, un enfant d'un an et demi photographié dans les bras de sa mère, portant une couche improvisée faite d'un sac plastique noir. Publiée par CNN, le New York Times, la BBC, Sky News et le Guardian, cette photo est devenue un symbole de la crise humanitaire à Gaza.
Le photographe Ahmed al-Arini expliquait avoir voulu "montrer au monde entier la faim extrême dont souffrent les bébés" dans la bande de Gaza. Selon lui, le poids de l'enfant était passé de 9 à 6 kilos, soit la moitié du poids normal pour son âge.
Mais le journaliste indépendant David Collier a mené une contre-enquête révélant une réalité différente. S'appuyant sur un rapport médical de l'Association Basma signé par le Dr Said Muhammad al-Nassan, il démontre que Muhammad souffre de maladies génétiques rares : paralysie cérébrale et manque d'oxygène dans le sang, nécessitant des compléments alimentaires spécifiques depuis sa naissance en décembre 2023.
Des éléments occultés par les médias
L'enquête de Collier pointe plusieurs omissions dans la couverture médiatique. Les photos évitent soigneusement de montrer Jude, le frère aîné de trois ans, qui apparaît en bonne santé sur d'autres clichés non diffusés. La mère, Hoda, ne présente pas non plus de signes de malnutrition extrême.
La BBC, dans une interview de 64 secondes avec la mère, a omis de mentionner les pathologies génétiques de l'enfant, malgré des allusions à un "long combat" nécessitant de la kinésithérapie. La courbure de la colonne vertébrale, symptôme révélateur de paralysie cérébrale, n'est pas évoquée par le narrateur.
Un père "tué en cherchant de la nourriture" ?
Les médias internationaux, dont le New York Times, ont rapporté que le père de Muhammad, Zakaria al-Ma'touk, avait été tué le 28 octobre 2024 "alors qu'il cherchait de la nourriture". L'enquête révèle qu'il est mort à Jabaliya lors d'une attaque ciblée israélienne, au moment où le Hamas menait des combats dans la zone, tuant six soldats israéliens entre le 25 et 29 octobre. Des documents du Hamas confirment l'activité militaire dans cette rue, remettant en question le récit du père cherchant de la nourriture.
Le cas italien d'Osama al-Raqab
Un phénomène similaire s'est produit en Italie, où le journal Il Fatto Quotidiano a publié en une la photo d'un enfant présenté comme affamé, sous le titre "Si c'est un enfant" en référence à l'ouvrage de Primo Levi "Si c'est un homme". L'article accusait le gouvernement italien de complicité dans une "politique de famine" à Gaza.
L'enquête a révélé que l'enfant, Osama al-Raqab, souffre de fibrose kystique, une maladie génétique. La photo datait d'avril et l'enfant se trouvait en Italie depuis le 11 juin pour y être soigné, précisément grâce aux efforts humanitaires italiens.
Le lendemain, le journal persistait avec un article affirmant que l'enfant se trouvait "à l'hôpital Nasser de Khan Younès", alors qu'il était en Italie depuis juin et que son état s'améliorait.