Abou Obeida est le porte-parole des Brigades Izz ad-Din al-Qassam, la branche armée du Hamas. Depuis plus de quinze ans, il apparaît masqué dans des vidéos officielles, annonçant des opérations, revendiquant des attentats (notamment pendant Plomb durci en 2008–2009, la guerre de 2014, Gardien des murailles en 2021, et la guerre en cours depuis 2023) et lançant des menaces explicites contre Israël. Il est bien plus qu’un simple communicant : c’est la voix militaire du Hamas, chargée à la fois de galvaniser ses partisans et d’intimider son adversaire.
À Gaza, sa popularité est considérable et bien réelle. Ses interventions, retransmises à la télévision et sur les réseaux sociaux, sont vécues comme des moments d’unité et de ferveur : il glorifie le sacrifice des « martyrs », proclame la poursuite de la lutte armée et promet la « libération de la Palestine ». Pour beaucoup, il incarne directement la résistance, une figure insaisissable dont le masque renforce l’admiration.
Cette vénération est confirmée par Eli Sharabi, ancien otage israélien. Dans son livre HaToef (« L’otage »), il raconte comment ses geôliers évoquaient Abou Obeida avec un respect quasi religieux, comme un héros et un guide — preuve tangible de l’influence que cette figure exerce sur la société gazaouie.
La comparaison avec Yahya Sinwar, chef politique et militaire du Hamas à Gaza éliminé par Tsahal en octobre 2024, est révélatrice. Sinwar représentait le pouvoir, la stratégie et la direction militaire du mouvement. Abou Obeida, lui, s’impose comme une icône émotionnelle et symbolique, le visage masqué de la lutte. Depuis la mort de Sinwar, certains observateurs estiment même qu’il est devenu le principal repère pour la population, la voix qui cristallise l’esprit de résistance.
Israël le considère comme une cible stratégique majeure. Tsahal estime qu’en neutralisant cette voix, il porterait un coup sévère à la propagande et au moral du Hamas. Mais jusqu’à présent, son identité tenue secrète, son masque et sa clandestinité lui permettent d’échapper aux frappes ciblées, renforçant encore le mythe d’un ennemi insaisissable.