Israël

Les confessions d'Herzi Halévy

L'ancien chef d'état-major s'est confié devant les habitants du mochav Ein Habesor.

5 minutes
11 septembre 2025

ParGuitel Benishay

Les confessions d'Herzi Halévy
Photo by Yonatan Sindel/Flash90

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Pour la première fois depuis qu'il a quitté ses fonctions, l'ancien chef d'état-major de Tsahal s'exprime avec une franchise inédite. Dans un entretien à huis clos d'une rare transparence, Herzi Halevy revient sur les événements du 7 octobre. Il évoque la consultation nocturne cruciale avec le commandant du secteur Sud, dément que les responsables militaires soient retournés dormir, explique pourquoi le Premier ministre n'a pas été alerté, et réfute catégoriquement les accusations de trahison. Les enregistrements ont été révélés par la chaine israélienne N12.

« Je comprends parfaitement, de manière rationnelle, ce qui nous est arrivé, les raisons de cet échec, et les mesures nécessaires pour éviter sa répétition », a-t-il affirmé devant les habitants du mochav Ein Habesor dans le sud d'Israël. « Je vous demande de me croire, je ne me tiendrais pas devant vous pour proférer des contre-vérités. Abandonnez cette pensée insoutenable selon laquelle l'un des nôtres aurait trahi. »

Halévy a révélé qu'à deux reprises avant le 7 octobre, le Hamas avait été sur le point d'exécuter son plan d'attaque. « Nous savons désormais qu'ils s'y étaient préparés deux fois auparavant, s'approchant très près de l'exécution. Des dissensions internes ont finalement fait échouer ces tentatives. » Halévy reconnait qu'en temps réel, personne au sein de Tsahal ni du Shin Bet n'avaient remarqué ces préparatifs, ils n'ont été connus qu'après le début du conflit actuel, grâce à des éléments trouvés dans la Bande de Gaza.

Trois occasions au total, 7 octobre inclus, où l'establishment sécuritaire israélien ignorait tout des préparatifs d'une armée entière planifiant la conquête des localités frontalières.

L'ancien chef d'état-major évoque ensuite cette nuit cruciale où les premiers indices ont commencé à filtrer. « Ces signaux, nous ne les saisissons qu'a posteriori lors des enquêtes. Jeudi soir, vendredi matin, vendredi après-midi - aucune activité inhabituelle n'est détectée dans la Bande de Gaza, hélas. »

« Même durant cette nuit, personne ne proclame l'imminence d'une guerre, personne ne déclenche d'alerte », poursuit-il. « Les évaluations nocturnes concluent à l'absence de menace dans l'immédiat. Roquettes, missiles antichars, forces d'élite : tout semble suivre la routine habituelle. C'est précisément l'illusion qu'ils s'efforçaient de maintenir par tromperie - l'apparence de la normalité : foyers, familles, vendredi soir. »

Assumant sa responsabilité, l'ancien chef d'état-major s'interroge sur l'absence totale d'informateurs parmi les deux millions d'habitants de Gaza. « Nos postes d'observation fonctionnaient sans détecter d'anomalies dans un périmètre pourtant observable », analyse Halevy. « Comment tant de préparatifs ont-ils pu nous échapper ? Il s'agit d'un échec du renseignement. Contrairement à la guerre de Kippour, nous n'avons pas eu le privilège de débattre pour déterminer s'il s'agissait d'exercices ou de préparatifs réels. »

Selon ses explications, lui-même et le commandant du secteur Sud avaient réduit l'état d'alerte au niveau inférieur, tandis que la division avait opté pour une approche différente.

L'écoutant attentivement, les habitants d'Ein HaBesor ne peuvent contenir leur frustration. Plusieurs lui rappellent sa longue présence dans la région, bien avant sa nomination au sommet de Tsahal - comme chef des opérations, comme commandant du secteur Sud - et l'interrogent : comment n'a-t-il pas perçu ce qu'eux observaient quotidiennement ?

« Durant des années, nous nous sommes persuadés qu'une offensive d'envergure contre nous était improbable. Nous nous sommes fourvoyés », reconnaît Halevy. « Nous observions les bunkers, nous suivions les entraînements. Années après années après années. Avant et après l'opération Bordure protectrice, nous maintenions cette analyse, estimant que nous détecterions toute volonté du Hamas de passer à l'acte. » Il ajoute avec amertume : « Cette détection n'a pas eu lieu. L'échec est patent. »

Halevy explique concernant la période précédant le conflit: « La décision, partagée entre échelons politique et militaire durant des années, consistait à considérer qu'en l'absence d'alternative au Hamas et compte tenu des déclarations du Hamas sur sa gestion civile du territoire, cette situation demeurait la moins problématique. Le chaos aurait été bien pire. Nous attendions donc une opportunité de changement, tentant d'équilibrer la situation, tout en combattant âprement le Jihad islamique perçu comme plus menaçant. Cette conception stratégique s'est effondrée. »

« Nous avions entériné un ordre de priorité défini par l'échelon politique - et je dois le dire, nous l'approuvions : d'abord l'Iran et le Hezbollah, ensuite le Hamas. Nous soutenions cette hiérarchisation qui, selon nos connaissances d'alors, paraissait justifiée », précise l'ancien chef d'état-major.

Halévy tient à rétablir que contrairement aux allégations, les responsables militaires ne sont pas retournés se coucher dans la nuit du 6 au 7 octobre et n'ont pas dirigé les évaluations depuis leur chambre. « Ces consultations ne se déroulent ni depuis les lits ni dans la somnolence, mais en séance formelle, par écrit, non pas durant cinq minutes mais pendant des heures. Yaron (Yaron Finkelstein, le commandant du secteur sud, ndlr), moi-même, le chef du renseignement militaire, le chef des opérations, les responsables du renseignement, le Shin Bet, Tsahal - personne ne donne d'instructions puis retourne dormir. Notre erreur fut de mal interpréter les signes. »

Depuis le 7 octobre, le Premier ministre soutient que tout aurait été différent s'il avait été alerté. L'ancien chef d'état-major répond : « Je n'ai besoin d'aucune autorisation de mes deux supérieurs, le ministre de la Défense et le Premier ministre, pour déployer des forces. Si nous avions détecté une menace, quelle qu'en soit l'ampleur, nous aurions réagi. N'ayant rien identifié, nous n'avons pas agi. Nous consultons parfois l'échelon politique, sans aucune dissimulation, dans le cadre d'évaluations transversales. L'absence de communication ne procède d'aucune volonté de dissimulation. »

En conclusion, l'ancien chef d'état-major rassure explicitement les habitants : il est désormais sûr de vivre dans cette région, le retour dans les localités frontalières est envisageable. Il souligne néanmoins qu'accepter un ennemi aux portes constitue une erreur conceptuelle à ne plus reproduire. « L'heure est venue », affirme-t-il, « de libérer les otages par un accord, puis de reprendre les opérations pour anéantir définitivement le Hamas ».