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Spoliation de biens juifs : la France accusée d'occuper illégalement son ambassade à Bagdad

« Ce n'est pas qu'une question d'argent, c'est avant tout une affaire de droits humains », plaide l'ayant droit

3 minutes
26 octobre 2025

ParJohanna Afriat

Spoliation de biens juifs :  la France accusée d'occuper illégalement son ambassade à Bagdad
Drapeaux français et irakien Illustration : iStock

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La République française se retrouve poursuivie devant le tribunal administratif de Paris pour occupation présumée illégale de la résidence abritant l'ambassade de France à Bagdad. L'affaire, révélée vendredi, met en lumière une histoire complexe de spoliation de biens juifs dans l'Irak d'après-guerre.

« Malheureusement, la République française squatte un immeuble qui n'est pas le sien », dénonce Maître Jean-Pierre Mignard, l'avocat représentant les descendants des propriétaires légitimes. Il s'agit d'un bâtiment de 3 800 mètres carrés accompagné d'un jardin de 1 150 mètres carrés, qui appartenait aux frères Ezra et Khedouri Lawee, membres de la communauté juive irakienne ayant fui au Canada à la fin des années 1940.

Cette émigration s'inscrivait dans le contexte de l'exode massif des juifs du monde arabe, alors en pleine effervescence. Malgré leur exil, les frères Lawee étaient restés propriétaires du bien.

L'avocat réclame près de 21,5 millions d'euros pour ses clients : des loyers impayés depuis 1969 pour le montant principal et depuis 1974 pour une somme complémentaire, auxquels s'ajoutent 7 millions d'euros au titre du préjudice moral.

La diplomatie française conteste fermement l'accusation de squat. Dans une argumentation présentée cet été, le ministère des Affaires étrangères affirme avoir signé un contrat de location avec les propriétaires prenant effet en 1965. Des accords auraient également été conclus avec les autorités irakiennes.

Le Quai d'Orsay pointe du doigt les législations irakiennes antisémites qui privaient les juifs ayant quitté le pays de leurs biens immobiliers, rendant ces dispositions responsables du non-versement des loyers. Le ministère, actuellement dirigé par Jean-Noël Barrot, a indiqué à l'AFP ne pas souhaiter commenter « une procédure juridictionnelle en cours ».

« Mes clients ne sont pas voraces ni cupides. Longtemps ils n'ont d'ailleurs pas voulu médiatiser l'affaire car ils sont francophiles, mais nous sommes face à une hypocrisie française », déplore Maître Mignard. L'avocat regrette qu'en dehors des efforts de Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères de 2017 à 2022 qui a quitté ses fonctions sans avoir trouvé de solution, « cette histoire n'empêche manifestement personne de dormir au Quai d'Orsay ».

Le conseil a saisi le tribunal administratif de Paris d'une requête sur le fond en mai 2024, puis d'une requête en référé-provision en février 2025, une procédure accélérée visant à obtenir rapidement une avance sur les sommes réclamées.

« Nous sommes typiquement dans une situation de biens juifs spoliés, qu'on occupe sans vergogne et sans payer de loyer aux vrais propriétaires », s'indigne l'avocat. Pour Philip Khazzam, ayant droit âgé de 65 ans, l'enjeu dépasse la dimension financière : « Ce n'est pas qu'une question d'argent, c'est avant tout une affaire de droits humains. »

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