Dans une interview accordé au supplément ''7 jours'' du Yediot Aharonot, l'ancien otage Segev Kalfon a raconté les conditions inhumaines dans lesquelles il a été détenu pendant 738 jours par le Hamas.
Segev, 27 ans, a été enlevé le 7 octobre, alors qu'il faisait la fête au festival Nova. Dans un premier temps, il a été transféré d'appartement en appartement, une fois dans la Bande de Gaza.
Il a ensuite passé l'essentiel de sa détention dans les profondeurs des tunnels. « Dans le tunnel, avant qu'ils ne nous donnent à manger, ils signalaient avec la lumière : ils l'éteignaient une seconde, puis la rallumaient », raconte Segev. « Parfois, c'était quelques graines noires qu'il fallait se partager. D'autres fois, on nous apportait une grande marmite – on se disait "Enfin !" – mais en l'ouvrant, on découvrait à peine une fine couche au fond, des restes. Parfois la lumière ne clignotait pas pendant longtemps, et ils nous hurlaient : "N'approchez pas ou vous serez frappés !" »
« À force d'avoir faim, on se disait : "Qu'ils nous frappent, pourvu qu'ils nous donnent un peu à manger" », poursuit-il. « C'est une faim à laquelle on ne peut s'habituer. On a l'impression que le corps se dévore de l'intérieur », confie-t-il. « Aux bombardements, à la peur, au danger, on finit par s'accoutumer. Mais pas à la faim. »
« L'eau qu'on était censés boire grouillait de petits vers vivants. Je les filtrais avec une compresse de gaze. Ils nous donnaient un peu de riz infesté de larves, et il fallait trier. Impossible de séparer le riz des vers. Alors on fermait les yeux et on mangeait. Que faire d'autre ? On se disait : "Au moins, c'est des protéines". », décrit-il.
Segev révèle aussi qu'à un moment, le désespoir l'a poussé à envisager une évasion: « Oui, j'avais vraiment tracé mentalement mon itinéraire de fuite, dessiné ce que je ferais et comment. Mais les camarades qui étaient avec moi m'en ont dissuadé. Je me demandais : qu'est-ce qui est préférable ? Continuer à subir ce que j'endure – les tortures, la souffrance, la faim, ce danger de mort constant, sans même savoir si je survivrai – ou tenter ma chance avec au moins 50 % de chances de m'en sortir et de vivre ? J'étais mort dans un corps vivant. J'étais dans une tombe sous terre, mort-vivant. Un homme mort qui marche. »
De retour chez lui à Dimona, Segev a commencé le long chemin vers un retour à la vie normale après avoir vécu un tel traumatisme. Il explique que ce qui l'aide à aller de l'avant aujourd'hui c'est l'affection dont il est entouré et sa foi qui s'est encore renforcée dans les tunnels du Hamas: « Je pense que ce qui me permettra de guérir, c'est de me libérer, d'extérioriser et de parler de ce que j'ai vécu là-bas. Et aussi la foi qui s'est renforcée en moi, je sais que j'ai quelqu'un sur qui m'appuyer. Je profite de chaque instant. Je savoure chaque moment. Je vis. », conclut-il.