Israël amorce un virage technologique dans le domaine de la médecine d’urgence : des chercheurs de l’entreprise RedC, en collaboration avec les services du sang du Magen David Adom, ont dévoilé une avancée significative dans la production de globules rouges artificiels. Présentés lors du congrès de médecine militaire, ces premiers résultats ouvrent la voie à la fabrication future de poches de sang universelles, adaptées à n’importe quel patient. Selon le Dr Ari Gragir, impliqué dans le développement depuis cinq ans, le projet quitte désormais la phase exploratoire pour se rapprocher d’une production élargie. Si la technologie atteint sa maturité, les systèmes de santé pourront disposer de réserves de sang fabriqué en laboratoire, stables à long terme, et dégagées de la dépendance chronique aux donneurs.
La méthode repose sur un processus de reprogrammation cellulaire : des globules blancs provenant de volontaires au groupe sanguin O négatif sont ramenés à un état de cellules souches. Ces cellules sont ensuite cultivées dans des bioréacteurs spécialisés où elles prolifèrent rapidement et servent de base à une production massive de globules rouges. Une démarche qui représente une rupture avec les tentatives précédentes, limitées à des volumes réduits et à des coûts prohibitifs. L’objectif : un modèle industriel, capable de répondre aux pénuries récurrentes observées en Israël comme ailleurs. Dans les essais présentés, les chercheurs ont réussi à générer des globules rouges similaires en apparence et en structure aux cellules naturelles, contenant de l’hémoglobine adulte et de l’hémoglobine fœtale de type F. Le processus complet nécessite environ un mois.
Avant d’envisager des essais cliniques, plusieurs évaluations restent indispensables. En particulier, la capacité des globules rouges créés à absorber et libérer le dioxyde de carbone, une fonction vitale du système sanguin. Ces tests ne seront possibles qu’à partir de volumes de production plus élevés.
Le calendrier envisagé par les chercheurs est le suivant : dans 2 ans, essais précliniques avancés, éventuellement sur animaux et d’ici 3 ans, premiers essais chez l’humain, si les résultats restent concluants.
Les implications sont vastes. En contexte militaire, notamment lors d’opérations impliquant de multiples blessés, des poches de sang universelles, stables et rapidement mobilisables pourraient sauver des vies lorsque l’approvisionnement est limité ou retardé. Dans le civil, les bénéfices seraient tout aussi immédiats :interventions chirurgicales, grossesses à risque nécessitant une transfusion, gestion d’événements de masse, pénuries saisonnières dans les banques du sang.
L’utilisation de sang artificiel permettrait également de réduire les risques d’infection, d’allonger la durée de conservation des unités et de limiter la dépendance aux donneurs volontaires.
Malgré ces avancées, les développeurs rappellent que la route reste longue avant une utilisation courante. Mais le mouvement est lancé : un domaine longtemps considéré comme théorique se rapproche désormais de l’application clinique. Dans un monde confronté à une pénurie chronique de dons, cette percée israélienne pourrait transformer la gestion du sang au niveau mondial.