La BBC tente d’enrayer une crise interne qui mine sa crédibilité depuis plus d’un an : le groupe audiovisuel britannique a annoncé le lancement d’une formation obligatoire sur l’antisémitisme pour l’ensemble de ses employés, dans un contexte d’accusations répétées de partialité et de manquements graves dans son traitement d’Israël et du terrorisme du Hamas.
Dans une lettre interne citée par la presse britannique, le directeur général sortant Tim Davie affirme vouloir faire de la BBC « un lieu où chacun se sent chez soi », ajoutant que « toute forme de discrimination ou de préjugé n’a pas sa place » au sein du groupe. Le module sur l’antisémitisme est déjà disponible ; celui sur l’islamophobie sera lancé en février. Les employés disposeront de six mois pour compléter cette formation, tandis que les nouveaux entrants devront la suivre dans les 28 jours suivant leur arrivée.
Cette décision intervient après un mouvement sans précédent : plus de 200 employés juifs – permanents, pigistes, prestataires et contributeurs – ont accusé la direction d’ignorer leurs alertes sur un climat interne devenu « insécurisant pour les Juifs ». Leur lettre ouverte, intitulée « Être juif et travailler à la BBC », avait dénoncé un manque d’enquêtes, un refus de reconnaître les biais et une « culture de l’évitement ». Une seconde lettre avait suivi, reprochant au conseil d’administration « des mots, pas des actes ».
Les principales organisations juives britanniques saluent la mesure tout en appelant à des changements plus profonds. Phil Rosenberg, président du Board of Deputies of British Jews, rappelle que l’enjeu est « de transformer à la fois la culture et les contenus » de la BBC, notamment sur le Moyen-Orient. Danny Stone, directeur de l’Antisemitism Policy Trust, insiste sur l’urgence de comprendre les mécanismes du racisme antijuif « alors que les actes antisémites explosent au Royaume-Uni et dans le monde ».
Le Community Security Trust (CST), engagé dans l’élaboration du module de formation, évoque une « démarche encourageante », tout en soulignant les « défis sérieux » rencontrés par le groupe dans la gestion des polémiques liées à l’antisémitisme.
Depuis l’attaque du 7 octobre 2023, la BBC a été accusée à de nombreuses reprises de biais anti-israélien : erreurs éditoriales, spéculations infondées sur des frappes israéliennes, diffusion de récits non vérifiés provenant de Gaza, et récemment l’utilisation du fils d’un haut responsable du Hamas comme narrateur d’un documentaire. L’organisation a dû publier plusieurs excuses publiques.
Le départ de Tim Davie, annoncé le mois dernier après une nouvelle polémique autour du montage d’un discours du président Trump, n’a pas apaisé les critiques. Si la formation constitue un premier geste, les organisations juives comme les employés concernés estiment qu’elle ne suffira pas à restaurer une confiance ébranlée par une longue série de fautes éditoriales.
Pour beaucoup, la BBC joue désormais sa crédibilité : réparer la fracture avec son public juif sera un test déterminant.