La cérémonie d'investiture de 127 députés argentins nouvellement élus s'est transformée en confrontation politique lorsque plusieurs parlementaires de gauche ont détourné leur serment traditionnel pour proclamer leur soutien à une "Palestine libre".
Au moins quatre députés ont bousculé le protocole lors de cette cérémonie à Buenos Aires. Nicolás del Caño, député du Parti des travailleurs socialistes (PTS), a profité de son temps de parole pour jurer au nom des "garçons et filles massacrés à Gaza".
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Néstor Pitrola, du Parti ouvrier (PO), a prêté serment en portant un keffieh palestinien drapé comme une écharpe, jurant "pour la fin du génocide sioniste et pour une Palestine libre".
Romina Del Plá, vêtue d'un t-shirt orné d'un grand imprimé pastèque – devenu symbole palestinien –, a déclaré qu'elle jurait "pour le droit de la Palestine à exister du fleuve à la mer", une formule qui revient à appeler à la destruction d'Israël.
Myriam Bregman, avocate socialiste juive et figure du Front de gauche, a juré "contre le génocide en Palestine", ajoutant une protestation contre les menaces américaines envers le président vénézuélien Nicolas Maduro : "Yankees hors du Venezuela !"
Tous ont remplacé la formule habituelle "Sí, juro" (je jure) par des déclarations politiques, déclenchant une réaction immédiate. Des parlementaires de la coalition de droite et libertarienne du président Javier Milei ont interrompu la séance par des huées, arguant que le serment ne devait pas servir de slogan politique. Lila Lemoine, membre du parti de Milei et autrefois proche de Bregman, l'a réprimandée : "On doit prêter serment pour son pays."
"Mettons fin à ce cirque"
Les cérémonies, retransmises nationalement, ont suscité de vives critiques. Un député a présenté un projet de loi visant à empêcher ceux qui ne respectent pas le règlement de siéger. "Mettons fin à ce cirque", a déclaré la députée juive Sabrina Ajmechet, du parti de droite. "Que des parlementaires aient pris leurs fonctions en prêtant allégeance à un autre territoire... c'est plus que déplorable, c'est problématique."
La DAIA, principale organisation juive d'Argentine, a déposé une plainte officielle, qualifiant l'expression "du fleuve à la mer" de "phrase de haine" qui "encourage la violence, légitime le terrorisme et alimente un climat d'hostilité envers les Juifs du monde entier". L'organisation a dénoncé une "déclaration ouvertement antisémite, incompatible avec les valeurs démocratiques".
L'Argentine a adopté en 2020 la définition de l'antisémitisme de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (IHRA), qui qualifie d'antisémites certaines formes de critiques d'Israël. On ignore si des poursuites seront engagées contre les députés concernés.
D'autres écarts au protocole
Patricia Holzman, députée juive nouvellement élue et directrice d'une organisation communautaire fondée après l'attentat contre l'AMIA à Buenos Aires en 1994, a également modifié sa formulation en disant "Sí, prometo" (je le promets) au lieu de "Sí, juro", et a prêté serment sur le Tanakh.
La cérémonie a connu un autre incident lorsqu'un député de gauche, Juan Grabois, a fait un geste vers Milei ressemblant à un salut nazi. Selon ses proches, il s'agissait du salut de la saga "Hunger Games", évoquant la résistance contre un régime oppressif.