Israël

Une armée peut-elle être un média neutre ? Le cas de la radio Galei Tsahal

La fermeture annoncée de la radio militaire israélienne cristallise une question longtemps évitée : une armée peut-elle rester neutre lorsqu’elle devient un acteur médiatique à part entière ?

3 minutes
24 décembre 2025

ParDelphine Miller

Une armée peut-elle être un média neutre ? Le cas de la radio Galei Tsahal
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La décision du gouvernement de fermer Galei Tsahal, la radio de l’armée, constitue moins une rupture politique qu’un réajustement institutionnel longtemps différé. Initiée par le ministre de la Défense Israel Katz et approuvée à l’unanimité par le cabinet, elle met fin à 75 ans d’existence d’un média singulier, rattaché à Tsahal tout en s’adressant au grand public.

Le cœur du débat n’est pas conjoncturel mais structurel. Israël compte une dizaine de stations nationales, dont deux relevant directement de l’armée — une exception dans les démocraties occidentales. Depuis des années, responsables civils comme militaires reconnaissent la difficulté, voire l’incohérence, d’un dispositif où une armée engagée dans des opérations militaires diffuse simultanément information générale, commentaires politiques et débats de société.

La guerre n’a pas créé ce malaise, elle l’a rendu impossible à ignorer. Le ministre de la Défense reproche à la station une ligne éditoriale perçue comme idéologiquement marquée et estime que certains contenus ont porté atteinte au moral des soldats et à l’effort national. Ce diagnostic dépasse les clivages politiques : dès 2020, Yair Golan appelait déjà à retirer Galei Tsahal du giron militaire, non pour des raisons partisanes, mais pour préserver la neutralité de Tsahal et la soustraire au champ politique.

Les critiques de l’opposition s’inscrivent dans une autre logique. Yair Lapid dénonce une tentative de contrôle du discours public, tandis que la procureure générale Gali Baharav-Miara alerte sur un risque d’atteinte à la liberté de la presse. Le Conseil de la presse israélien souligne qu’une fermeture durable nécessiterait un cadre législatif clair. Ces réserves ne sont pas marginales, mais elles ne répondent pas à la question centrale : une armée peut-elle être à la fois acteur militaire et acteur médiatique sans brouiller son rôle institutionnel ?

Sur le plan juridique, le dossier reste ouvert. Comme souvent en Israël, l’ultime arbitrage reviendra à la Cour suprême, appelée à se prononcer sur la légalité et les modalités de la décision. Mais le débat dépasse la seule question de procédure.

La fermeture de Galei Tsahal s’inscrit dans une clarification plus large de la frontière entre médias et sécurité nationale. La prolongation jusqu’en 2027 de la loi permettant la suspension de médias étrangers jugés menaçants — visant principalement Al Jazeera, interdite depuis mai 2024 — illustre cette même logique : distinguer liberté de la presse et exploitation médiatique à des fins politiques ou sécuritaires hostiles. Dans le même temps, la presse internationale critique d’Israël continue d’opérer librement sur le territoire.

En définitive, la disparition annoncée de Galei Tsahal ne signe pas la fin du pluralisme médiatique, mais la sortie progressive de l’armée du débat public. Plus qu’une fermeture, il s’agit d’un choix institutionnel : celui de préserver Tsahal comme force militaire, et non comme acteur idéologique, à un moment où la société israélienne évolue sous pression sécuritaire maximale.



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