Israël

Incendie géant dans les montagnes de Jérusalem : pas un acte criminel à motif nationaliste mais une reprise de feu

Les conclusions de l’enquête contredisent la version avancée par plusieurs ministres et députés d'un attentat à motif nationaliste

4 minutes
20 mai 2025

ParNathalie Sosna Ofir

Incendie géant dans les montagnes de Jérusalem : pas un acte criminel à motif nationaliste mais une reprise de feu
Crédit : pompiers

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Contrairement aux déclarations de plusieurs ministres, députés et même du Premier ministre Benyamin Netanyahou affirmant que le gigantesque incendie « Mur de feu » - l’un des plus importants que le pays ait connus, tant par son ampleur que par sa complexité- était le résultat d’un acte criminel à motif nationaliste, les conclusions de l’enquête contredisent cette version. Selon les experts, l’origine de l’incendie est une reprise de feu d’un brasier qui avait déjà ravagé la région une semaine auparavant.

L’enquête, confiée à une équipe spécialisée, a établi que l'incendie survenu le jour de Yom Hazikaron s’est déclaré à partir des braises encore actives d’un feu antérieur, survenu pendant Yom HaShoah. Ce précédent incendie avait déjà détruit environ 10 000 dounams de forêt naturelle dans les collines de Judée. La reprise de feu a, elle, causé la perte de près de 20 000 dounams supplémentaires, entraînant l’évacuation de milliers d’habitants de huit localités et l’abandon précipité de véhicules par des centaines d’automobilistes bloqués sur l’autoroute 1.

Crédit : Pompiers

Les premières réactions politiques n'avaient pas tardé : plusieurs responsables affirment rapidement qu’il s’agit d’un incendie criminel, évoquant même des arrestations. Le Premier ministre Netanyahu annonce même lors de son discours à Yom Haatsmaout que 18 personnes avaient été interpellées, dont l’une « prise en flagrant délit ». Une information qui avait surpris la police, qui n’avait connaissance que de trois arrestations à ce moment-là.

Qu’est-ce qu’une reprise de feu ?

Les enquêteurs, épaulés par des images de vidéosurveillance de la région de Mesilat Zion et Neve Shalom, ont conclu qu’il s’agissait d’un phénomène connu : les racines des arbres peuvent continuer à couver sous terre durant plusieurs jours, voire semaines, après un incendie. Le vent peut réactiver ces foyers invisibles en apportant de l’oxygène. Pour éviter ce scénario, des inspections systématiques, des arrosages ciblés, des drones et des hélicoptères doivent être mobilisés durant les deux semaines suivant tout grand incendie. Faute de quoi, le danger persiste.

Manque criant de pompiers et d’équipement

Un débat s’est tenu à la Knesset, en commission des Finances, avec la participation du ministère de la Sécurité nationale, du Trésor, et du vice-commissaire des pompiers, le commandant Ronen Maktayev. Ce dernier a dressé un constat alarmant : il manque au moins 1 000 pompiers dans tout le pays, ainsi que des équipements essentiels, y compris des hélicoptères de lutte contre les incendies. Alors que la décision d’acheter quatre avions avait été prise dès 2017, ce n’est qu’aujourd’hui qu’un processus d’acquisition de deux hélicoptères est en cours.

Actuellement, Israël compte environ 2 100 pompiers, contraints d’enchaîner les interventions majeures et les tâches de prévention dans des zones calcinées, comme la recherche de foyers résiduels ou l’arrosage de racines, un travail physique de longue haleine.

Le président de la commission, Moshe Gafni, a résumé l’enjeu : « Heureusement, il n’y a pas eu de pertes humaines. Mais pour éviter une tragédie, notre système de lutte contre les incendies doit être renforcé. Il manque du personnel, de l’équipement et des hélicoptères ».

Les pompiers luttent contre les flammes à Jérusalem, le 16 mai 2025., Crédit : Chaim Goldberg/Flash90

Délai d’intervention doublé

Selon Maktayev, le délai moyen d’intervention est désormais de 14 minutes, contre un objectif de 7 à 9 minutes, en raison du manque de casernes. « Dans le monde, on compte un pompier pour 1 000 habitants. En Israël, c’est un pour 4 900 », a-t-il souligné. Et de prévenir : « Si nous n’arrivons pas à intervenir rapidement, le risque de pertes humaines augmente ».

Il a aussi alerté sur les défis croissants : changement climatique, urbanisation, hausse des incendies, substances dangereuses, immeubles de grande hauteur, pannes d’ascenseurs en cas de coupure de courant, tunnels routiers ou ferroviaires… Le tout avec des moyens humains qui ne suivent pas. « Rien que samedi dernier, nous avons géré 220 incendies à travers le pays », a-t-il précisé.

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