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Rabbi Éléazar dit : celui qui voit le Temple détruit doit dire : « notre Maison sainte, notre Gloire, dans laquelle nos ancêtres T’ont loué, a été la proie des flammes. Notre plus beau trésor est devenu une désolation », et il doit déchirer son vêtement.
Aussi, depuis des siècles, quiconque s’approche du Kotel (le Mur occidental), après une longue absence, déchire son vêtement. Cette déchirure traduit le deuil que nous portons pour le Temple de Jérusalem. En effet, lorsqu’on rapprend le décès d’un proche parent on déchire son vêtement, et, pour nous, la destruction du Temple équivaut à la perte d’un être très cher.
Les décisionnaires contemporains se sont posé la question de savoir si, de nos jours, alors que le peuple juif a recouvré son indépendance, cette loi avait toujours cours. Le rav Haïm David Halévy, dans son livre, Meqor Haïm, tranche qu’aujourd’hui il n’est plus nécessaire de déchirer son vêtement car, soutient-il, entre autres arguments :
« Le Temple était effectivement un endroit très important pour le service divin, mais la pérennité du peuple juif et la pérennité de sa Thora ne dépendent pas du Temple. Rabbi Yo‘hanan Ben Zakaï n’avait-il pas préféré Yavné et ses Sages à Jérusalem et son Temple. La perte religieuse due à la destruction du Temple et à l’interruption du service des sacrifices a été remplacée par l’étude de la Thora et par les prières, comme dit le verset : « Ce sont nos lèvres qui apportent les sacrifices. »
En outre, le deuil, les pleurs, la souffrance, de même la déchirure obligatoire sont la conséquence de la perte de l’indépendance dont le Temple est le symbole. C’est pourquoi, aujourd’hui, alors que nous avons enfin recouvré notre indépendance, que notre peuple connaît un pouvoir qu’il n’avait pas connu même dans les périodes les plus fastes de son histoire, la destruction du Temple a perdu de sa portée. Certes, demeure la perte d’un endroit important pour le service divin, et Israël perpétuera le souvenir du jour de sa destruction le 9 Av, mais il n’est probablement plus nécessaire de déchirer son vêtement chaque fois que l’on voit cet endroit dans sa destruction. »
Dans ce texte, rav Haïm David Halévy développe deux points :
– le Temple, quelle que soit son importance, n’est pas essentiel pour le peuple juif ; l’étude de la Thora et la prière peuvent le remplacer.
– le Temple représente l’indépendance nationale.
Les parachiot de ces semaines nous enseignent que cette analyse est discutable, comme l’exprime le verset : « Ils me construiront un Tabernacle et Je résiderai parmi eux. »
Ainsi, le Tabernacle est bien plus qu’un joyau, symbole de l’État, il est le témoignage de la réalité de la Présence divine au sein du peuple. La construction du Tabernacle est donc la finalité à laquelle doit amener le développement spirituel et matériel du peuple juif. Nous devons créer une société au sein de laquelle Dieu a la « place d’honneur » : « Ils me feront un Tabernacle et Je résiderai parmi eux. »
En créant l’univers, Dieu créa une maison pour l’homme. Le Tabernacle, lui, est la maison que l’homme crée pour Dieu dans ce monde. Ainsi, pour connaître la liste exhaustive des travaux interdits durant le Chabbat, nos Sages enseignent que ce sont toutes les activités nécessaires pour ériger le Temple, dont la construction résume donc la somme de toutes les activités créatives. Sa destruction est un constat de l’éloignement de la Présence divine. C’est l’échec de notre mission qui consiste à sanctifier l’univers que Dieu a remis entre nos mains afin de le rendre habitable par Lui. C’est pourquoi le Talmud dit : « Toute génération durant laquelle le Temple n’a pas été reconstruit doit considérer qu’il a été détruit à son époque. »
Tant que le Temple n’est pas reconstruit, c’est que les raisons de sa destruction sont toujours actuelles et c’est là le drame véritable. Certes, le Talmud nous enseigne que l’on n’interrompt pas l’étude des enfants, même pour la construction du Temple, ceci parce que l’étude de la Thora par les enfants est la condition première et profonde pour que le Temple puisse être reconstruit. Arrêter leur étude pour construire le Temple équivaut à détruire les bases sur lesquelles il serait construit, mais cela ne veut pas dire que l’on peut remplacer le Temple par l’étude.
Voici comment l’expliquait mon grand-père, rav Yérachmiel Eliyahou Botschko זצ"ל : « Comment se fait-il que Jacob pleura Joseph pendant vingt-deux ans ? Il existe pourtant une halakha stipulant que l’on ne doit pas garder le deuil trop longtemps. Au bout d’une année, l’oubli doit s’installer. Pourquoi cette règle ne s’est-elle pas appliquée à Jacob ? » Mon grand-père répond : « Parce que Joseph était vivant ; ainsi lorsque nous pleurons Jérusalem, lorsque nous pleurons la destruction du Temple deux mille ans après l’événement, nous témoignons que le Temple est encore vivant et que nous n’avons pas perdu l’espoir qu’il ressuscite à nouveau. » Cesser de le pleurer, c’est vouloir abaisser le Temple au niveau d’un autre « endroit important pour le service Divin. » La création de notre État est, bien entendu, une manifestation de la bonté divine et une étape de la délivrance, mais cesser de pleurer le Temple, c’est vouloir stopper le processus. Participons activement à sa reconstruction en insufflant à notre jeune État un supplément d’âme.
Moëd Qatan 26a.
Vol. 2, pp. 208-209.
Exode xxv, 8.
Exode xxv, 8.
Chabbat 49b.
Talmud de Jérusalem, traité Yoma, 1,1.
Extrait de l'ouvrage du Rav Shaoul David Botschko ''A la table de Shabbat''