Israël

Le rôle déterminant de la grand-mère d'Emmanuel Moreno dans l'opération Entebbe

Dans la famille Moreno, il s'avère qu'Emmanuel, z'l, n'était pas le seul héros. Ninette, sa grand-mère, a joué un rôle déterminant et peu connu dans l'opération Entebbe.

5 minutes
7 juillet 2025

ParGuitel Benishay

Le rôle déterminant de la grand-mère d'Emmanuel Moreno dans l'opération Entebbe
Photo: Moshe Milner GPO

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Ces jours-ci, nous célébrons les 49 ans de l'opération Entebbe, qui restera l'une des plus audacieuses de l'histoire d'Israël.

A cette occasion, il convient de rendre hommage à une femme au courage et à la ténacité exceptionnelles qui a joué un rôle déterminant et insuffisamment connu dans la libération des otages. Il s'agit de Ninette Moreno,z'l, la grand-mère d'Emmanuel Moreno, z'l, héros de Tsahal, tombé au combat en 2006 lors de la deuxième guerre du Liban.

Ilan, le père d'Emmanuel, raconte que sa mère était de passage en Israël avant de poursuivre vers Paris : « Mes parents vivaient au Canada. En 1976, cela faisait quatre ans que nous avions fait notre alya. Emmanuel (z’’l) avait cinq ans. Ma mère partait de chez nous pour Paris, où elle devait assister au mariage de ma cousine ».

Avant d'embarquer, elle croise le Pr Livni et son épouse. Leur fils, mineur, devait prendre seul le même vol et le couple demande à Mme Moreno de bien vouloir veiller sur lui pendant le voyage, ce qu'elle accepte volontiers.

« Ce lien avec ce garçon allait s’avérer décisif pour la suite », explique Ilan.

Dès le détournement de l’avion, Ninette attire les soupçons des terroristes. Elle n'est pas israélienne mais possède plusieurs passeports: marocain, espagnol, belge, français, canadien, et une carte de résident américain. En outre, elle fait preuve d'une certaine audace en ne respectant pas les consignes données aux otages: « Quand les passagers sont arrivés à Entebbe, on leur a demandé de ne pas ouvrir les fenêtres. Ma mère l’a fait quand même, et a vu les Palestiniens accueillis en liesse par les soldats ougandais. Elle le racontera plus tard à Paris, et cela jouera un rôle important. », précise Ilan.

Lors de la séparation entre les passagers israéliens et les autres, Ninette se retrouve du côté « non israélien », tandis que le garçon sur lequel elle avait promis de veiller reste dans la zone réservée aux Israéliens. « Elle pensait constamment à lui. La salle était séparée par des toilettes chimiques. Elle entrait du côté des étrangers, passait au-dessus des toilettes, et rejoignait la zone israélienne pour voir comment il allait. Elle faisait ça plusieurs fois par jour, devenant ainsi la seule à avoir une idée précise de la situation des otages israéliens. »

Elle note tout dans un carnet : des croquis du hall, l’emplacement des fenêtres, ce que l’on peut voir depuis celles-ci, la position des otages, et même les caisses marquées « explosifs », reliées à des fils électriques, qu’elle découvre être vides.

Le caractère déterminé de Ninette la mène à une confrontation directe avec le chef du commando, un Allemand hispanophone ayant vécu en Argentine. Elle lui dit qu’elle est malade et n’a pas ses médicaments. Il lui promet qu’elle sera dans la première vague de libérations. Mais le mardi, lorsque 100 passagers sont libérés, son nom ne figure pas sur la liste. Elle s’emporte contre lui pour n’avoir pas tenu parole, probablement à cause du nombre de ses passeports, qui a éveillé la méfiance des Palestiniens.

Le jeudi, une nouvelle vague de libération se profile. « À 20 ou 21 heures, on nous annonce qu’une centaine de passagers vont être libérés. Mais le nom de ma mère n’apparaît toujours pas. On nous dit qu’il y a 102 personnes dans l’avion qui les ramène, mais seulement 100 noms sont publiés. Finalement, deux femmes supplémentaires sont mentionnées. » C’est alors que l’on comprend que Ninette, grâce à sa détermination, a réussi à se faire ajouter à la liste. Lorsque la liste est lue à haute voix devant tous les otages, son nom est oublié. Elle interpelle le commandant, qui finit par accepter. Mais des Palestiniens l’empêchent physiquement de monter à bord. Elle retourne voir le commandant, lui dit : « Tu n’es pas un vrai chef, ce sont eux les vrais chefs ici. » Il finit par l’escorter personnellement, et elle exige d’emmener « sa sœur » – en réalité une femme prise au hasard – qu’il autorise également à embarquer.

À leur arrivée à Paris, un membre des services de renseignement français souhaite interroger Ninette. Elle refuse. Elle ne veut parler qu'aux Israéliens. A l'ambassade d'Israël à Paris, elle rencontre le général Amiram Levin. Elle sort son carnet et lui remet les croquis détaillés : fenêtres, positions des soldats, des terroristes, etc. Elle mentionne aussi l’accueil chaleureux des Ougandais, prouvant qu’ils étaient complices, et non de simples spectateurs – un renseignement essentiel pour la planification de l’opération militaire.

Il s’avère qu’Israël disposait déjà des plans du terminal, conçu à l’origine par l’entreprise israélienne Solel Boneh, mais les Ougandais l’avaient considérablement agrandi.

Pendant des années, il n’y eut aucune reconnaissance officielle. La famille Moreno commençait même à douter de la véracité des récits de Ninette. Des années plus tard, à l’occasion du 40e anniversaire de l’opération, la famille Moreno apprend, par l’ancien chef du Shin Bet Avi Dichter, l’ampleur réelle du rôle de Ninette. Au musée dédié à l’opération Entebbe, ses croquis sont exposés. Une mention y précise aujourd’hui que la dessinatrice est la grand-mère de l’un des plus grands héros militaires d’Israël, le lieutenant-colonel Emmanuel Moreno z’’l.

Ninette se verra aussi décerner la citoyenneté d’honneur israélienne et une médaille par le président de l’État.

« Nous ne savions pas si c’était vrai ou juste des histoires de grand-mère », admet Ilan Moreno. Ce n’est qu’après cette reconnaissance publique que la famille comprit l’ampleur réelle de ce que Ninette avait accompli.