Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, il y a 87 ans, en Allemagne, des synagogues ont été incendiées, des vitrines de magasins appartenant à des Juifs brisées, des Juifs tabassés dans les rues, et le monde est resté silencieux.

A l'occasion des célébrations de cette terrible date, le journal Israël Hayom a donné la parole à trois des survivants de ce pogrom qui vivent aujourd'hui en Israël. Tous les trois arrivent à la même conclusion: "Dans le climat actuel, la Nuit de Cristal pourrait se reproduire."

Walter Bingham, 101 ans, George Shefi, 94 ans, et Paul Alexander, 90 ans, étaient des enfants lorsque tout s'est produit. "J'ai vu ma synagogue partir en flammes", raconte Walter

George se souvient s'être réveillé ce matin-là et avoir découvert, en se rendant à l'école, les vitrines brisées des commerces juifs. En arrivant à l'école, il a constaté que celle-ci, ainsi que la synagogue attenante, avaient été réduites en cendres. Paul était alors un nourrisson. Son père a été arrêté cette nuit-là et envoyé au camp de Buchenwald.

Ce pogrom a changé leurs vies à jamais. Pour les sauver, leurs parents les ont envoyés seuls en Grande-Bretagne dans le cadre du Kindertransport, quelques semaines seulement avant le déclenchement de la guerre. Pour George, ce fut la dernière fois qu'il vit sa mère avant qu'elle ne soit assassinée à Auschwitz. Walter ne revit jamais son père, décédé plus tard dans le ghetto de Varsovie. Paul fut le seul à retrouver ses deux parents, qui avaient également réussi à quitter l'Allemagne avant le début de la guerre.

Le ministère de la Diaspora et de la Lutte contre l'antisémitisme a publié un nouveau rapport révélant des données préoccupantes sur l'ampleur de l'antisémitisme depuis le 7 octobre. Le document indique qu'au cours des deux dernières années, sept Juifs ont été assassinés pour des motifs antisémites aux États-Unis et en Europe. Récemment encore, deux Juifs ont été tués lors d'une attentat contre une synagogue à Manchester.

Le rapport fait également état de 99 cas d'agressions ou de dégradations de synagogues ces deux dernières années, 98 incidents visant des commerces appartenant à des Juifs, 14 profanations de tombes dans des cimetières, et 182 événements antisémites dans des institutions juives telles que des écoles et des centres communautaires.

Face à ce tableau alarmant, les trois rescapés expriment une profonde inquiétude et évoquent les similitudes glaçantes avec l'Allemagne des années 1930. "Les Juifs sont contraints de retirer tout signe distinctif par crainte pour leur sécurité, les synagogues sont attaquées, les institutions juives sont prises pour cibles. L'antisémitisme se propage comme une épidémie", déclare Walter, convaincu que le pire reste à venir.

Tous trois s'accordent à dire que l'antisémitisme ne disparaîtra jamais, mais ils se consolent et sont fiers du fait qu'Israël ne permettra jamais une nouvelle Shoah. "Israël est l'endroit le plus sûr pour les Juifs", affirment-ils.

À l'occasion de l'anniversaire du pogrom, les trois survivants ont publié une déclaration conjointe avec l'organisation La Marche des Vivants : "Nous, survivants de la Shoah, avons vécu dans notre enfance le pogrom de la Nuit de Cristal en Allemagne. Nous avons vu de nos propres yeux comment la haine se transforme en flammes, comment l'indifférence devient complicité, et comment le monde s'est tu quand les Juifs étaient attaqués. Aujourd'hui, 87 ans plus tard, nous regardons autour de nous et disons avec une profonde douleur : le monde n'a rien appris. À nouveau, des Juifs sont assassinés en raison de leur judaïsme. À nouveau, des synagogues sont attaquées. À nouveau, les universités se taisent face à l'incitation à la haine. Et la haine d'Israël et du peuple juif se répand comme une épidémie, dans les rues et sur les réseaux sociaux. Le monde d'aujourd'hui n'est pas plus sûr pour les Juifs qu'il ne l'était alors. Dans le climat actuel, la Nuit de Cristal pourrait se reproduire. Nous appelons les gouvernements à agir véritablement pour éradiquer l'antisémitisme et renforcer l'éducation à la mémoire de la Shoah."