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Taïwan–Israël : l’entretien secret qui ne passe pas à Pékin

Quelques jours avant sa visite confidentielle en Israël, le vice-ministre taïwanais des Affaires étrangères, François Wu, accordait un entretien exclusif à N12 depuis Taipei, il y évoquait ouvertement le rapprochement stratégique souhaité par son pays avec l’État hébreu, Pékin n'est pas à prendre avec des baguettes

3 minutes
12 décembre 2025

ParNathalie Sosna Ofir

Taïwan–Israël : l’entretien secret qui ne passe pas à Pékin
Le vice-ministre taïwanais des Affaires étrangères, François Wu, lors de sa visite en Israël, Photo : avec l'aimable autorisation d'Ariel Kahana

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La veille ou presque de son arrivée discrète en Israël, François Wu, vice-ministre taïwanais des Affaires étrangères, recevait N12 à Taipei pour un entretien exceptionnel. Il y exprimait son désir de se rendre en Israël et d’y constater « l’ampleur de la tragédie du 7 octobre » : « Nous sommes, nous aussi, isolés dans la communauté internationale. Nous devons apprendre de la résilience et du courage israéliens face aux pressions militaires extérieures », D'ailleurs après cette tragédie, Taïwan a rapidement manifesté sa solidarité avec des dons de plusieurs millions de dollars, aide aux centres de résilience communautaire et appui à diverses ONG israéliennes.

Interrogé sur l’éventualité d’acquérir des systèmes israéliens tels que le Dôme de Fer ou Arrow, Wu ne laissait planer aucun doute : « Taïwan souhaite toutes les formes de coopération avec Israël. À vous de décider. Nous ne cherchons pas à vaincre la Chine ; nous voulons uniquement défendre notre démocratie. Nous essayons de trouver la bonne manière de travailler avec Israël, et je crois que nous progressons. »

Ses propos interviennent dans un contexte de tensions accrues. Pékin intensifie ses manœuvres autour de l’île et durcit son discours. Pour la Chine, Taïwan reste un territoire “inaliénable”, conformément au principe de « la Chine unique ».

L’entretien prend aussi une dimension économique majeure. Taïwan concentre près de 60 % de la production mondiale de semi-conducteurs, et 90 % des puces avancées indispensables à l’IA, essentiellement fabriquées par le géant TSMC, valorisé à plus de 1 000 milliards de dollars. Taïwan est le premier producteur mondial de semi-conducteurs, surtout dans le segment avancé. L’industrie high-tech israélienne a besoin de ces puces. Les liens entre les deux pays sont déjà importants, mais ce n’est que la partie émergée de l’iceberg.

S’il n’existe pas de relations diplomatiques officielles entre Israël et Taïwan, les échanges n’en demeurent pas moins actifs. Taipei et Tel-Aviv entretiennent depuis 2019 une coopération informelle dans les domaines du cyber, de l’intelligence artificielle et de la sécurité. Dans les deux capitales, on se refuse à confirmer la visite de Wu. Mais Taïwan souligne que les deux pays « partagent les valeurs de liberté et de démocratie » et continueront à « promouvoir des coopérations mutuellement bénéfiques » en matière de commerce, technologie et culture.

La crainte d’une attaque chinoise ne cesse de croître à Taïwan. Ces derniers mois, Pékin a multiplié les incursions militaires et les démonstrations de force. L’île a même distribué à sa population un “guide de défense civile” détaillant les conduites à tenir en cas d’invasion : préparation de kits d’urgence, localisation des abris, réaction face à des soldats ennemis. Le président taïwanais, Lai Ching-te, a récemment annoncé un budget de défense supplémentaire d’environ 40 milliards de dollars, affirmant que « la sécurité nationale ne souffre aucune concession » et rappelant qu’historiquement, « les compromis face à l’agression se soldent par la soumission ».

Alors que seules quelques nations entretiennent des relations diplomatiques formelles avec Taipei, les tensions militaires sino-taïwanaises atteignent un niveau inédit depuis des décennies. Dans ce contexte, la recherche d’alliances technologiques et sécuritaires devient vitale pour Taïwan — et Israël, puissance en cybersécurité et en systèmes de défense, représente un partenaire de premier plan.

Et tandis que Pékin voit rouge, accusant Israël de violer le principe de « la Chine unique », le rapprochement discret entre Taipei et Jérusalem semble, lui, se poursuivre à pas mesurés mais déterminés.